dimanche 21 février 2016

BERNARD, Michel - Les forêts de Ravel

«Quand Ravel leva la tête, il aperçut, à distance, debout dans l’entrée et sur les marches de l’escalier, une assistance muette. Elle ne bougeait ni n'applaudissait, dans l’espoir peut-être que le concert impromptu se prolongeât. Ils étaient ainsi quelques médecins, infirmiers et convalescents, que la musique, traversant portes et cloisons, avait un à un silencieusement rassemblés. Le pianiste joua encore la Mazurka en ré majeur, puis une pièce délicate et lente que personne n’identifia. Son doigt pressant la touche de la note ultime la fit longtemps résonner.»

En mars 1916, peu après avoir achevé son Trio en la majeur, Maurice Ravel rejoint Bar-le-Duc, puis Verdun. Il a quarante et un ans. Engagé volontaire, conducteur d’ambulance, il est chargé de transporter jusqu'aux hôpitaux de campagne des hommes broyés par l’offensive allemande. Michel Bernard le saisit à ce tournant de sa vie, l'accompagne dans son difficile retour à la vie civile et montre comment, jusqu'à son dernier soupir, «l’énorme concerto du front» n’a cessé de résonner dans l'âme de Ravel.

mercredi 17 février 2016

JAPRISOT, Sébastien - La course du lièvre à travers les champs

«Ils ont trouvé un lit-cage et ils m'ont mis dedans. Ils m'ont attaché les mains, ils m'ont empêché de manger, ils ont creusé ma tombe pour me faire peur.Mais je ne leur ai pas rendu leurs billes.Alors, ils m'ont pris avec eux. Ils avaient des fusils et un canif et un camion de pompiers et même une poupée qui parle.On était sur une île, en Amérique. On avait chacun notre nom. On voulait attaquer un gratte-ciel et tous les policiers du monde étaient contre nous.Et on essayait de ne pas entendre nos mères qui nous appelaient.»


Pour échapper aux gitans qui le traquent, Tony se réfugie à Montréal. Là, il est témoin d'un règlement de comptes entre truands. Ces derniers l'enlèvent dans l'intention de le supprimer, mais peu à peu, ils intègrent le jeune homme à leur bande.

lundi 15 février 2016

DELACOURT, Grégoire - Les quatre saisons de l'été

Été 99, dont certains prétendent qu’il est le dernier avant la fin du monde.
Sur les longues plages du Touquet, les enfants crient parce que la mer est froide, les mères somnolent au soleil. Et partout, dans les dunes, les bars, les digues, des histoires d’amour qui éclosent. Enivrent. Et griffent. Quatre couples, à l’âge des quatre saisons d’une vie, se rencontrent, se croisent et s’influencent sans le savoir.
Ils ont 15, 35, 55 et 75 ans. Ils sont toutes nos histoires d’amour.

Cet été-là, Cabrel chantait Hors saison et tout le monde chantait Cabrel.
Cet été-là, sur la plage du Touquet, les corps se dévoilaient, les coeurs s'emballaient.
Cet été-là, sur les dunes immenses, se jouaient les destinées amoureuses de quatre couples, à l'âge des quatre saisons d'une vie.
L'été est-il toujours fatal aux histoires d'amour ?

mardi 9 février 2016

RIVAS, Manuel - La langue des papillons

Manuel Rivas nous prouve une fois de plus qu'il est, par son écriture et par sa sensibilité, l'un des auteurs espagnols les plus remarquables de sa génération. Chacune de ses nouvelles nous offre ici une vision intense et poétique de la Galice et des Galiciens, ce peuple de paysans et de pêcheurs habitués depuis toujours au dur combat contre la misère et les intempéries. Rivas nous fait entendre leurs voix et, avec un respect sans faille pour la fragilité des hommes, dessine en profondeur la trame variable des rêves et des peurs qui donne une forme à leur existence. Ainsi l'émigré malade sauvé parle souvenir de la fille qu'il avait tant désirée (« Le perroquet de La Güaira ») ou l'adolescent affamé dévorant le pain de ses frères (« La flûte de pain ») expriment un amour pour la vie qui fait leur force et leur faiblesse, mais qui, surtout, est au-delà de tout jugement. C'est bien cet amour qui infléchit le cours de l'histoire dans « La langue des papillons » et nous fait découvrir-ressentir dans les dernières lignes comment la fidélité d'un seul enfant peut être plus puissante que la lâcheté et la trahison de tout un village.

jeudi 4 février 2016

NOTHOMB, Amélie - Journal d'Hirondelle

"C'est une histoire d'amour dont les épisodes ont été mélangés par un fou."
A la suite d'un chagrin amoureux, le narrateur, 30 ans, coursier, devient insensible. Il perd son boulot pour en retrouver un autre, plus conforme à son nouvel état : tueur à gages. Pas d'états d'âme à viser la cible, s'acquitter d'un crime parfait. Sinon une excitation nouvelle, une soif d'accomplir un geste quasi divin. Un jour, on lui demande d'exécuter un ministre et toute sa famille et de rapporter sa serviette. Dans celle-ci, le journal intime de sa fille. La curiosité aura raison de tueur : il lit le cahier. Son comportement devient alors erratique et si l'usage de ses cinq sens lui revient, c'est pour une métamorphose qu'il n'aurait auparavant jamais pu envisager.

Personnage nothombien par excellence, le héros, solitaire, misanthrope, détaché de toute réalité contingente, coincé dans sa propre logique, amputé des perceptions ordinaires, agissant au-delà du bien et du mal, découvre justement qu'il y a un au-delà et qu'il se nomme amour.

mercredi 3 février 2016

ENARD, Mathias - Remonter l'Orénoque

Dans les corps qu'ils ouvrent, les patients qu'ils soignent, et jusque dans leur amitié, deux chirurgiens cherchent, comme à tâtons, une vérité qui justifierait leur propre existence. Youri opère sous les yeux de Joana, la jeune infirmière qu'Ignacio convoite ; au cœur d'un été caniculaire et d'un hôpital en pleine déliquescence, l'un se perd dans la passion comme l'autre dans l'alcool et la folie. Ils pousseront Joana à les fuir, à entreprendre un long voyage au Venezuela : remonter le grand fleuve Orénoque sera pour elle l'occasion de démêler, depuis le ventre tiède d'un cargo, l'écheveau de leurs vies. Au fil de ce voyage vers l'Amazonie, le deuxième roman de Mathias Enard nous emporte au centre d'un triangle amoureux dont les sommets seraient la naissance, le corps et le désir, tous trois si ténus qu'ils ne sont peut-être que des reflets sur les eaux boueuses d'une rivière mythique.

HALL, Louisa - Trinity

15 juillet 1945, Los Alamos, Nouveau-Mexique. Robert Oppenheimer, brillant scientifique et créateur de la bombe atomique, compte les heures,...