jeudi 30 juillet 2020

STHERS, Amanda - Lettre d'amour sans le dire

Alice a 48 ans, c'est une femme empêchée, prisonnière d'elle-même, de ses peurs, de ses souvenir douloureux (origines modestes, native de Cambrais, séduite et abandonnée, fille-mère, chassée de chez elle, cabossée par des hommes qui l'ont toujours forcée ou ne l'ont jamais aimée). Ancienne professeur de français, elle vit dans ses rêves et dans les livres auprès de sa fille, richement mariée et qui l'a installée près d'elle, à Paris. Tout change un beau jour lorsque, ayant fait halte dans un salon de thé, Alice est révélée à elle-même par un masseur japonais d'une délicatesse absolue qui la réconcilie avec son corps et lui fait entrevoir, soudain, la possibilité du bonheur. Cet homme devient le centre de son existence : elle apprend le japonais, lit les classiques nippons afin de se rapprocher de lui. Enfin, par l'imaginaire, Alice vit sa première véritable histoire d'amour. Pendant une année entière, elle revient se faire masser sans jamais lui signifier ses sentiments, persuadée par quelques signes, quelques gestes infimes qu'ils sont réciproques. Le jour où elle maitrise assez la langue pour lui dire enfin ce qu'elle ressent, l'homme a disparu... D'où la lettre qu'elle lui adresse, qui lui parviendra peut-être, dans laquelle elle se raconte et avoue son amour.
Tendre, sensuelle, cette lettre est le roman que nous avons entre les mains : l'histoire d'un éveil. Ce qu'Alice n'a pas dit, elle l'écrit magnifiquement. Prête, enfin, à vivre sa vie.

mercredi 29 juillet 2020

SCHOFIELD, Anakana - Martin John

abandonné à la moitié...

Martin John, un délinquant sexuel, a été envoyé à Londres par sa mère pour échapper aux autorités. Depuis, il doit naviguer seul dans cette ville hostile où tout conspire à le faire dévier de la routine implacable et absurde à laquelle il s'est astreint. Le piège semble se refermer sur lui alors qu'un agaçant chambreur, sans doute un espion envoyé par la police, fait irruption dans sa vie.

Comme une partition musicale ou un encéphalogramme, ce roman singulier emprunte les rythmes sinueux de la paranoïa du protagoniste et la rigidité de son esprit obsédé. Finaliste au Giller Prize, Martin John a connu un succès populaire et critique exceptionnel dans le monde anglo-saxon

jeudi 23 juillet 2020

De RECONDO, Léonor - Manifesto

Pendant la nuit du 24 au 25 mars 2015, Félix de Récondo a cheminé vers la mort. Trois ans plus tard, sa fille Léonor transforme le huis clos de la chambre d’hôpital en un vibrant manifeste, manifesto, témoignant de la liberté et de la force de création que ce père artiste garda inlassablement intactes.
Deux narrations s’entrelacent, qui signent le portrait d’un homme dont la jeunesse fut marquée par la guerre civile espagnole et l’exil : celle de Léonor, envahie par les souvenirs et les émotions de la longue veille aux côtés de sa mère, Cécile ; et celle de Félix, dont l’esprit s’est échappé vers les contrées du passé.
Il y a rejoint l’ombre d’Ernesto (Hemingway), qu’il n’a jamais revu depuis les déjeuners du dimanche à Pamplona, alors que lui était encore un petit garçon, dans les années trente. L’écrivain, déjà auréolé de sa gloire, y suivait les courses de toros. Aujourd’hui, toute différence d’âge abolie, Félix se remémore ceux qu’ils ont connus, sa petite enfance à Gernika, les mystérieuses activités politiques de ses oncles dans la maison d’exil des Landes. Il en vient bientôt à évoquer la mort tragique de ses enfants nés avant sa rencontre avec Cécile, et confie à son vieux complice combien sa nouvelle famille l’a aidé à continuer à vivre, dessiner et sculpter. Ernesto, à son tour, lui raconte son besoin d’écrire, Martha et les femmes qu’il ne pouvait s’empêcher de séduire, sa propre fascination pour la mort, son suicide. Mais leur ultime conversation ne s’achèvera pas avant que Félix ait pu montrer à Ernesto le violon que, de ses mains, il fabriqua pour Léonor.
À son chevet, sa fille lui fait écouter une ultime fois leur sonata da Chiesa de Corelli… La musique a tant accompagné leur bonheur, leur pas de deux artistique, depuis que, élève précoce, Léonor apprenait à maîtriser son instrument. Cette même musique ponctue d’une déchirante douceur leur dernière nuit, dont le récit, magnifique tombeau poétique, donne à jamais vie au créateur et au père merveilleux que fut Félix.

lundi 20 juillet 2020

WEISMAN, Alan - Homo disparitus

La nature reprendrait-elle ses droits ? Combien faudrait-il d'années au clin pour retrouver son niveau d'avant l'âge industriel ? Qu'adviendrait-il des réacteurs de nos centrales? Quels animaux prospéreraient et quelles race s'éteindraient ?... Ces questions, et beaucoup d'autres-des plus sérieuse aux plus saugrenues -, sont celles que le journaliste Alan Weisman plusieurs fois primé pour ses reportages (The New York Times Magazine The Atlantic Monthly, Discover), nous invite à explorer. Parcourant Ies cinq continents, convoquant de nombreux experts - climatologue botanistes, spécialistes de l'écologie, architectes, géographes...- il nous offre ici un passionnant reportage - où la réalité dépasse la (science) fiction.

samedi 11 juillet 2020

HUSTON, Nancy - Lèvres de pierre

Comment et pourquoi Nancy Huston écrit-elle aujourd'hui le récit de ses années de formation en miroir de celles d'un Cambodgien de la génération de son père, venu comme elle à Paris, y étant entré en politique mais aussi en écriture avant de devenir Pol Pot, l'un des pires dictateurs du XXe siècle ?
Ce livre de lucidité et d'intuitions mêlées, qui fait suite à «Bad Girl», laisse au lecteur le troublant sentiment de se tenir au plus près du pouvoir des hasards qui façonnent les chemins de la création et de la destruction, les pages sanglantes de la fiction comme celles de l'Histoire.

lundi 6 juillet 2020

DIVRY, Sophie - Trois fois la fin du monde

Après un braquage avec son frère qui se termine mal, Joseph Kamal est jeté en prison. Gardes et détenus rivalisent de brutalité, le jeune homme doit courber la tête et s’adapter. Il voudrait que ce cauchemar s’arrête. Une explosion nucléaire lui permet d’échapper à cet enfer. Joseph se cache dans la zone interdite. Poussé par un désir de solitude absolue, il s’installe dans une ferme désertée. Là, le temps s’arrête, il se construit une nouvelle vie avec un mouton et un chat, au cœur d’une nature qui le fascine.

Trois fois la fin du monde est une expérience de pensée, une ode envoûtante à la nature, l’histoire revisitée d’un Robinson Crusoé plongé jusqu’à la folie dans son îlot mental. L’écriture d’une force poétique remarquable, une tension permanente et une justesse psychologique saisissante rendent ce roman crépusculaire impressionnant de maîtrise.

« Au bout d’un temps infini, le greffier dit que c’est bon, tout est en règle, que la fouille est terminée. Il ôte ses gants et les jette avec répugnance dans une corbeille. Je peux enfin cacher ma nudité. Mais je ne rhabille plus le même homme qu’une heure auparavant. »

samedi 4 juillet 2020

HOUELLEBECQ, Michel - Soumission

Dans une France assez proche de la nôtre, un homme s'engage dans la carrière universitaire. Peu motivé par l'enseignement, il s'attend à une vie ennuyeuse mais calme, protégée des grands drames historiques. Cependant les forces en jeu dans le pays ont fissuré le système politique jusqu'à provoquer son effondrement. Cette implosion sans soubresauts, sans vraie révolution, se développe comme un mauvais rêve.
Le talent de l'auteur, sa force visionnaire nous entraînent sur un terrain ambigu et glissant ; son regard sur notre civilisation vieillissante fait coexister dans ce roman les intuitions poétiques, les effets comiques, une mélancolie fataliste. Ce livre est une saisissante fable politique et morale.

Une anticipation dans laquelle un parti musulman remporte la présidentielle contre le Front national.
Le Front national de Marine Le Pen, qui a déjà perdu le scrutin de 2017, subit la loi d’une alliance UMP, UDI, PS, associée à la Fraternité musulmane, parti inventé par l’auteur. Son leader, Mohammed Ben Abbes, finit par être élu et choisit François Bayrou comme premier ministre.

HALL, Louisa - Trinity

15 juillet 1945, Los Alamos, Nouveau-Mexique. Robert Oppenheimer, brillant scientifique et créateur de la bombe atomique, compte les heures,...