jeudi 21 août 2014

AMETTE, Jean-Pierre - La Maîtresse de Brecht



La maîtresse de Brecht, c'est Maria Eich, jeune actrice viennoise que les services de la Stasi vont engager au retour de Brecht pour l'espionner. Brecht arrive à Berlin-Est en 1948 avec sa femme Hélène Weigel pour diriger le Berliner Ensemble et engage Maria Eich pour jouer Antigone. Fatigué, vieillissant, il lui faut des maîtresses jeunes, pleines de vie et relativement soumises. Ce à quoi s'emploie Maria tout en se livrant à son double travail de comédienne et d'espionne, photographiant tout document produit par Brecht, pièces de théâtre, poèmes, correspondance, qu'elle livre à l'officier de la Stasi qui l'a recrutée, Hans Trow. Durant plus de quatre ans, elle sera la maîtresse officielle de Brecht, sous les yeux complaisants de sa femme, éprouvant pour le grand homme un mélange d'indifférence, de mépris et d'admiration, réservant à Hans un sentiment amoureux qu'elle ne nommera jamais, bien qu'il soit partagé. Puis Maria passe à Berlin-Ouest où elle raconte sa double vie à la CIA avant de se rendre dans le Bade Wurtemberg pour y être professeur d'allemand.

Un roman sur les dernière années de Brecht, qui sait qu'il va mourir et ne nourrit que peu d'illusions sur l'humanité en général et le régime qui l'a accueilli en particulier. Il est condamné à incarner le héros des temps modernes, le dramaturge du parti communiste allemand, l'homme à femmes, sorte de Minotaure à qui l'on fournit son contingent de vierges.

lundi 18 août 2014

FOENKINOS, David - En cas de bonheur



" Personne ne savait que faire en cas de bonheur. On avait des assurances pour la mort, pour la voiture, et pour la mort en voiture. Mais qui nous protégera du bonheur ? Jean-Jacques venait de comprendre que ce bonheur, en devenant si fort, était la pire chose qui pût lui arriver. " 
Après "Le Potentiel érotique de ma femme" (Prix Roger-Nimier 2004), David Foenkinos nous emmène avec humour et ironie sur les chemins de l'adultère et du couple, " ce pays qui a la plus faible espérance de vie ".


"Un autre soir, Claire accepta d’aller au restaurant. Une fois assis, Jean-Jacques fut torturé par une angoisse existentielle majeure :
- J’hésite entre une pizza ou des pâtes. C’est tout le problème des restaurants italiens.
- C’est tout le problème de la vie, ironisa Claire."
David Foekinos fait partie de la famille des écrivains satiristes, ceux qui s’emparent d’un sujet pour le malaxer et en tirer un jus souvent très noir. L’auteur, ici, ne change pas sa nature en s’en prenant à la question du couple contemporain. Entre promesse, ennui, répétition de jours nuls et adultère salvateur, où situer le couple (où ce qu’il en reste), cette figure du malheur des sociétés démocratiques avancées ? Réponse grâce à Jean-Jacques et Claire, les sémillants protagonistes de ce roman sans pitié sur la misère sentimentale.
Un très bon roman, signé par un jeune homme de trente ans qui a été en 2003 le lauréat de la Fondation Hachette et a reçu le prix Roger-Nimier 2004 pour une fiction très tonique (et programmatique), "Le Potentiel érotique de ma femme".



vendredi 15 août 2014

RASPAIL, Jean - Moi, Antoine de Tounens, roi de Patagonie



Sur une modeste tombe d'un petit cimetière du Périgord, on peut lire cette épitaphe : Ci-gît Orelie-Antoine Ier, roi de Patagonie, décédé le 18 septembre 1878. La plus étrange épopée qui se puisse concevoir... Durant les vingt-huit années du règne d'Orélie-Antoine, le rêve et la réalité se confondent aux bornes extrêmes du monde, là-bas, en Patagonie, au détroit de Magellan. Qui est Antoine de Tounens, roi de Patagonie, conquérant solitaire, obscur avoué périgourdin embarqué sur les flottes de la démesure, son pavillon bleu, blanc, vert claquant aux vents du cap Horn ? Un fou ? Un naïf ? Un mythomane ? Ou plus simplement un homme digne de ce nom, porteur d'un grand destin qu'il poursuivra toute sa vie en dépit des échecs, des trahisons, des sarcasmes qui peupleront son existence... Es-tu roi de Patagonie ? Je le suis ! Il n'en démordra pas. Roi il fut, quelques jours au moins, et toute une vie. Des sujets, il en eut : Quillapan, cacique des Araucans, Calfucura, cacique des Patagons, mais aussi Verlaine, Charles Cros, le commodore Templeton, le général Chabrier, l'amiral Dumont d'Urville, l'astronome Camille Flammarion, le colonel von Pikkendorff, Véronique, reine de Patagonie, aux multiples visages, et tant d'autres, le coeur débordant d'émotion, qui se déclarèrent un jour ou l'autre, l'espace d'un instant, sujets du roi Orélie-Antoine. Car nous sommes tous des Patagons. Là-bas, en Patagonie, l'homme devient roi. Sa longue nuit s'illumine.

dimanche 10 août 2014

NOTHOMB, Amélie - Acide sulfurique

"Vint le moment où la souffrance des autres ne leur suffit plus : il leur en fallut le spectacle."


Concentration : la dernière-née des émissions télévisées. On enlève des gens, on recrute des kapos, on filme… Tout de suite, le plus haut score de téléspectateurs, l’audimat absolu qui se nourrit autant de la cruauté filmée que de l’horreur dénoncée.

Etudiante à la beauté stupéfiante, Pannonique est devenue CKZ 114 dans le camp de concentration télévisé. Le premier sévice étant la perte de son nom, partant de son identité. Zdena, chômeuse devenue la kapo Zdena, découvre en Pannonique son double inversé et se met à l’aimer éperdument. Le bien et le mal en couple fatal, la victime et le bourreau, la belle et la bête aussi. Quand les organisateurs du jeu, pour stimuler encore l’audience, décident de faire voter le public pour désigner les prisonniers à abattre, un tollé médiatique s’élève mais personne ne s’abstient de voter et Pannonique joue sa vie…

Les jeux du cirque modernes : téléréalité, voyeurisme, ignominie, bonne conscience, dénonciation moralisante y ont partie liée. Un monde de bêtise et de cruauté, d’hypocrisie bien-pensante où l’individu a perdu toute liberté d’agir puisque tout est récupéré, où même la dénonciation du système appartient au système. Et cependant qui dit victime dit désir de sauver sa peau. En premier chef de reconquérir la faculté de nommer, le début de l’humanité selon Nothomb…

samedi 9 août 2014

KUHN, Shane - Guide de survie en milieu hostile

John Lago n'est pas un homme très fréquentable. mais, dans sa partie, c'est le meilleur. Sa spécialité ? Infiltrer les grandes sociétés en y sollicitant un stage afin d'éliminer les dirigeants corrompus.
Le stagiaire se caractérise par son insignifiance. On lui demande d’être corvéable à merci, mais pour le reste personne ne lui prête attention. Passant facilement inaperçu, le stagiaire est ainsi un parfait assassin en puissance. C’est la raison pour laquelle, depuis une dizaine d’années, John Iago enchaîne les stages en entreprise afin d’éliminer les cibles qu’on lui assigne : quelle meilleure couverture, en effet, pour un tueur à gage ? Ainsi vient-il tout juste de rejoindre l’un des plus grands cabinets d’avocats new-yorkais avec pour mission d’assassiner un des associés.À ses heures perdues, John a décidé d’écrire un Guide de survie à l'intention des jeunes stagiaires, illustré d’exemples tirés de sa propre expérience. Ce qui lui permet de donner quelques précieux conseils aux nouvelles recrues de Human Resources, Inc, la mystérieuse organisation qui l’emploie, spécialisée dans l’entraînement et le placement des « stagiaires ». Le problème, c’est que John n’est plus au top de sa forme. À chacun des trente-quatre meurtres qu’il a commis, quelque chose est mort en lui. Et, alors que l’heure de se retirer du jeu a sonné, la mission qu’on lui a confiéé va s’avérer la plus dangereuse et la plus inattendue de toutes.Entre American Psycho et Un employé modèle, Guide de survie en milieu hostile nous fait pénétrer dans l’esprit d’un tueur particulièrement attachant qui, à son grand désespoir, devient de plus en plus humain à mesure que ses chances de survie diminuent. À la fois drôle, cruel et grinçant, ce premier roman impose d’emblée Shane Kuhn comme l’un des auteurs de thriller les plus inventifs de la scène littéraire.Shane Kuhn est producteur et metteur en scène. Il vit à Los Angeles. Guide de survie en milieu hostile est son premier roman.

jeudi 7 août 2014

GARY, Romain - Les cerfs-volants

Pour Ludo le narrateur, l'unique amour de sa vie commence à l'âge de dix ans, en 1930, lorsqu'il aperçoit dans la forêt de sa Normandie natale la petite Lila Bronicka, aristocrate polonaise passant ses vacances avec ses parents. Depuis la mort des siens, le jeune garçon a pour tuteur son oncle Ambroise Fleury dit «le facteur timbré» parce qu'il fabrique de merveilleux cerfs-volants connus dans le monde entier. Doué de l'exceptionnelle mémoire «historique» de tous les siens, fidèle aux valeurs de «l'enseignement public obligatoire», le petit Normand n'oubliera jamais Lila. Il essaie de s'en rendre digne, étudie, souffre de jalousie à cause du bel Allemand Hans von Schwede, devient le secrétaire du comte Bronicki avant le départ de la famille en Pologne, où il les rejoint au mois de juin 1939, juste avant l'explosion de la Seconde Guerre mondiale qui l'oblige à rentrer en France.Alors la séparation commence pour les très jeunes amants... Pour traverser les épreuves, défendre son pays et les valeurs humaines, pour retrouver son amour, Ludo sera toujours soutenu par l'image des grands cerfs-volants, leur symbole d'audace, de poésie et de liberté inscrit dans le ciel.

vendredi 1 août 2014

DE KERANGAL, Maylis - Naissance d'un pont

« À l'aube du second jour, quand soudain les buildings de Coca montent, perpendiculaires à la surface du fleuve, c'est un autre homme qui sort des bois, c'est un homme hors de lui, c'est un meurtrier en puissance. Le soleil se lève, il ricoche contre les façades de verre et d'acier, irise les nappes d'hydrocarbures moirées arc-en-ciel qui auréolent les eaux, et les plaques de métal taillées en triangle qui festonnent le bordé de la pirogue, rutilant dans la lumière, dessinent une mâchoire ouverte. »

Ce livre part d'une ambition à la fois simple et folle : raconter la construction d'un pont suspendu quelque part dans une Californie imaginaire à partir des destins croisés d'une dizaine d'hommes et femmes, tous employés du gigantesque chantier. Un roman-fleuve, « à l'américaine », qui brasse des sensations et des rêves, des paysages et des machines, des plans de carrière et des classes sociales, des corps de métiers et des corps tout court.

HALL, Louisa - Trinity

15 juillet 1945, Los Alamos, Nouveau-Mexique. Robert Oppenheimer, brillant scientifique et créateur de la bombe atomique, compte les heures,...