mardi 30 septembre 2014

DE LUCA, Erri - Les poissons ne ferment pas les yeux

"À travers l'écriture, je m'approche du moi-même d'il y a cinquante ans, pour un jubilé personnel. L'âge de dix ans ne m'a pas porté à écrire, jusqu'à aujourd‘hui. Il n'a pas la foule intérieure de l'enfance ni la découverte physique du corps adolescent. À dix ans, on est dans une enveloppe contenant toutes les formes futures. On regarde à l'extérieur en adultes présumés, mais à l'étroit dans une taille de souliers plus petite". Comme chaque été, l'enfant de la ville qu'était le narrateur descend sur l'île y passer les vacances estivales. Il retrouve cette année le monde des pêcheurs, les plaisirs marins, mais ne peut échapper à la mutation qui a débuté avec son dixième anniversaire. Une fillette fait irruption sur la plage et le pousse à remettre en question son ignorance du verbe aimer que les adultes exagèrent à l'excès selon lui. Mais il découvre aussi la cruauté et la vengeance lorsque trois garçons jaloux le passent à tabac et l'envoient à l'infirmerie le visage en sang. Conscient de ce risque, il avait volontairement offert son jeune corps aux assaillants, un mal nécessaire pour faire exploser le cocon charnel de l'adulte en puissance, et lui permettre de contempler le monde, sans jamais avoir à fermer les yeux. Erri De Luca nous offre ici un puissant récit d'initiation où les problématiques de la langue, de la justice, de l'engagement se cristallisent à travers sa plume. Arrivé à l'âge d'archive, il parvient à saisir avec justesse et nuances la mue de l'enfance, et ainsi explorer au plus profond ce passage fondateur de toute une vie.

lundi 15 septembre 2014

SOLLERS, Philippe - Medium

Médium (du latin medius, au milieu) : personne susceptible, dans certaines circonstances, d'entrer en contact avec les esprits.

Méditation à la lueur de Saint-Simon et de la magie de Venise... Contre la perversion du monde, Sollers offre un manuel de contre-folie.
On aime beaucoup
Venise, évidemment. Pourquoi changer de décor, de lumière, d'air ambiant, quand ici tout est parfait. Venise, et sa « magie médiumnique », impalpable et évidente comme le sacré « On la voit sans la voir, on l'entend sans l'entendre, elle disparaît parfois pendant des semaines ou des mois, et soudain, dans une clarté imprévue, elle est là. On la respire, elle fait signe, elle fait flamber les toits et les mâts, l'espérance pour rien recommence. » Il y a longtemps que le narrateur des romans de Philippe Sollers y a ses habitudes, son emploi du temps réglé, entre lectures, promenades, méditation. La compagne de ces instants parfaits, elle, n'est plus là – plus de ce monde. Alors, « après tout, pourquoi ne pas dis­paraître ici, tranquillement, dans l'ombre ? J'ai ce qu'il faut comme produit, crise cardiaque, petite buée dans les médias, et basta. Plus d'informations désinformantes, plus de bavardages, plus de mécanique des gestes ». Mais le ciel peut aussi attendre...
Donc, Venise. Nous y sommes, aux côtés du narrateur, « Il Professore ». Alentour, deux figures de femme : Ada, « mon ardeur », masseuse professionnelle, chamane ou presque, dont les mains expertes savent ressusciter « ce corps qui pèse et qui s'use », et la jeune Loretta. Posés sur le bureau, dans le petit appartement aux volets presque clos, quelques livres, très peu, puisque « à part Saint-Simon et les classiques chinois, je ne lis plus que les journaux et des dictionnaires ». Dans les journaux, ce sont les symptômes de la folie collective planétaire qui s'étalent, et que le narrateur relève et commente – folie mortifère, proliférante, protéiforme, hydre à mille têtes, mille visages hideux parmi lesquels la vulgarité, le conformisme, l'ignorance, la lourdeur, l'obsession pour le mal, le refus de l'Histoire... La liste est longue – vraiment trop longue –, à laquelle il entreprend d'opposer une sorte de bréviaire de survie, son Art de la guerre à lui : un Manuel de contre-folie.
Pour interlocuteur privilégié, en cet exercice, il choisit Saint-Simon, le scribe insolent de la Cour, c'est-à-dire de l'enfer, donc l'ennemi du diable – « Dieu est mort, mais, depuis cet angle vide, son secrétaire observe tout à la loupe, mariages, naissances, bâtardises, fortunes, vols, usurpations, trafics, agonies, ruines. Rien ne lui échappe, et ça va vite. Cet homme est un tourbillon dans un tourbillon... » C'est aussi pour cela qu'on lit les romans de Sollers : parce qu'ils nous ramènent toujours vers la grande Bibliothèque et les grands textes pour toujours vivants. Parce qu'ils relient et intercèdent, tracent des liens, tirent des fils. Parce que, à travers eux, Sollers aussi est un médium.

vendredi 12 septembre 2014

O'FARRELL, John - L'homme qui a oublié sa femme

Qu'un homme oublie l'anniversaire de sa femme, quoi de plus commun ? Le cas de Vaughan est plus inhabituel : il se réveille un jour dans le métro, totalement amnésique. Oubliés son métier de professeur, ses enfants, sa femme... et leur prochain divorce ! Pourtant, à peine a-t-il posé les yeux sur Maddie qu'il en retombe fou amoureux. Vaughan saura-t-il réinventer sa vie pour reconquérir son grand amour ?

samedi 6 septembre 2014

BENNETT, Alan - La dame à la camionnette

Miss Shepherd, vieille dame excentrique, vit dans une camionnette aux abords de la résidence londonienne d’Alan Bennett. Victime de l’embourgeoisement du quartier et de quelques vauriens, elle finit par installer son véhicule dans la propriété de l’auteur. 
Commence alors une incroyable cohabitation entre la marginale et la célébrité, qui durera près de vingt ans.
Entre disputes, extravagances et situations drolatiques, la dame à la camionnette n’épargne rien à son hôte ni au lecteur. Bennett, en excellent conteur, saisit leur duo et livre, au-delà des anecdotes, un tableau très juste du Londres des années 1970 et 1980, de sa bourgeoisie progressiste et de ses exclus. 
Un récit d’une grande humanité qui croque avec humour les travers de la société britannique contemporaine.

mercredi 3 septembre 2014

GOUGAUD, Henri - Le roman de Louise

Jusqu'à sa mort en 1905 à 75 ans, Louise Michel, surnommée « La Vierge rouge », lutta pour les droits de l’homme, la justice sociale et le soutien à ceux qui manquent de tout. Née en 1830 d’une servante et fille mère, Louise est dès l’enfance une écorchée vive à la personnalité affirmée, que les douleurs des autres enragent. Institutrice, elle développe à Paris, où elle arrive en 1856, une activité littéraire pédagogique, politique et activiste jusqu’à la Commune, à laquelle elle participe en première ligne. Capturée, déportée en Nouvelle Calédonie, elle revient en France en 1880 où elle multiplie les manifestations, suivies d’emprisonnements. Toute sa vie, elle se voudra au service des pauvres. Sainte ? Peut-être, mais rouge. Anarchiste, violente, intraitable, épuisante parfois pour ceux qui la suivent, généreuse à la folie, elle a voulu changer la vie de son siècle.

Cette extraordinaire personnalité fascine depuis toujours Henri Gougaud. Il nous la raconte avec sa verve inimitable et son talent de conteur.

lundi 1 septembre 2014

De VIGAN, Delphine - Les jolis garçons

Prenez un homme qui aime les femmes, le corps des femmes surtout. Il a une quarantaine d'années, il est beau mais fatigué. Prenez une femme qui aime les hommes, la peau des hommes mais pas seulement. Elle va avoir trente ans, elle est jolie quand elle y prête attention, parfois on se retourne sur elle, on la dévisage, parfois elle est grise, on ne la voit pas. Trois hommes dans la vie d'Emma. Trois rencontres sur des musiques différentes, basses et douloureuses, rieuses et légères, hantées par un même motif : l'illusion. Combien de fois faut-il rejouer la fable pour être capable de s'en défaire ?

HALL, Louisa - Trinity

15 juillet 1945, Los Alamos, Nouveau-Mexique. Robert Oppenheimer, brillant scientifique et créateur de la bombe atomique, compte les heures,...