samedi 24 décembre 2016

SHORT, Luke - Ciel rouge

La cupidité commerciale oppose deux hommes, et la fille de l'un d'eux aime celui qui s'apprête à escroquer son père. Sur fond d'élévage de bétail et vengeance d'Indiens croupissant dans des réserves dépourvues de bonnes terres, Luke Short compose un Western efficace et instructif. Adapté par Robert Wise avec Robert Mitchum sous le titre «Ciel rouge».

lundi 19 décembre 2016

AIRA, César - Le congrès de littérature

César est écrivain. Il vit essentiellement de ses traductions mais mène également une vie secrète de savant un peu fou. Le livre s’ouvre sur l’énigme séculaire du « Fil de Macuto », que César résout avec succès. Il se rend ensuite au Venezuela, où il est invité à participer à un congrès de littérature dans la petite ville de Merida. Sous des abords inoffensif, il dévoile en réalité le plan démoniaque qu’il a en tête pour dominer le monde: cloner l’ADN de l’écrivain mexicain Carlos Fuentes dans le but de créer une armée de sujets soumis et belliqueux. On ne sait comment il comptait s’y prendre précisément. Dans les faits, il va cloner une cellule, non pas de Fuentes, mais de sa cravate en soie. Des milliers d’asticots de soie bleu électrique se répandent ainsi dans la ville de Merida… Dans un monde onirique, peuplé d’images et de métaphores, le lecteur évolue à la lisière du réel, jusqu’à l’apothéose psychédélique du dernier chapitre. Cette belle parabole de la création littéraire offre une échappée flamboyante dont ses idées sur l’écriture et la traduction ne sortiront pas exemptes. Contrairement à ce que l'on pourrait penser, Le Congrès de littérature n'a rien d'un texte théorique. César Aira met en abyme ses réflexions sur la création littéraire dans un récit ironique, baroque.Plus qu'un roman-manifeste, il s'agit d'un précieux témoignage de ce que l'imagination littéraire représente aux yeux de César Aira. On y retrouve les composantes les plus attachantes de son oeuvre : son art de la scène croquée sur le vif et de l'embardée digressive, l’impression d’aller dans une « fuite en avant » sans que jamais ne se rompe le fil de la continuité narrative, tendu avec virtuosité. César Aira est né à Coronel Pringles, dans la Province de Buenos Aires, le 23 Février 1949. Il réside à Buenos Aires depuis 1967, dans le quartier de Flores. Romancier, nouvelliste, essayiste, dramaturge, traducteur, il a publié à ce jour une quarantaine de livres. Comme beaucoup d’intellectuels argentins, il est polyglotte et a lu les romans d’aventure et les grands auteurs français, langue qu’il parle couramment. À 14 ans, il découvre Proust et vénère Rimbaud. Après la disparition de Roberto Bolaño, il est considéré comme l’un des écrivains sud-américains les plus importants. L’absurde, voire le fantastique que l’on retrouve dans l’oeuvre d’Aira ne sont pas sans rappeler l’univers de Copi.

jeudi 15 décembre 2016

WHARTON, William - Birdy

NATIONAL BOOK AWARD

Dans la banlieue de Philadelphie des années 1930, Al et Birdy sont inséparables depuis qu'ils se sont rencontrés sur les bancs de l'école. Al est athlétique, hâbleur, bagarreur. Birdy est fluet, discret, et n'a qu'une passion : les oiseaux. Sa vie s'organise autour des immenses volières qu'il construit pour ses canaris, mais son obsession vire peu à peu à la folie tandis qu'il poursuit son rêve de voler et de devenir lui-même un oiseau. Des années plus tard, alors qu'ils reviennent de la guerre, Al, blessé au combat, est appelé au chevet de Birdy, qui vit prostré dans la cellule d'un hôpital psychiatrique, enfermé dans un mutisme incompréhensible. Dans un monologue intérieur délirant, le rêveur fou ne s'adresse plus qu'à ses oiseaux. Face à son vieil ami, Al égrène alors leurs souvenirs comme autant de récits d'aventures pour tenter de le ramener parmi les hommes.

Salué dès sa publication comme un classique, lauréat du prestigieux National Book Award, Birdy est un livre hypnotique sur l'amitié, le rêve, la guerre, la folie et la beauté.
À PROPOS DU LIVRE

Classique déjà publié par Robert Laffont en 1981, Birdy a été porté à l'écran par Alan Parker avec les jeunes Matthew Modine et Nicolas Cage dans les rôles principaux.

La traduction du livre a été revue par Matthew du Aime, fils de l'auteur.

mardi 6 décembre 2016

FITZGERALD, Pénélope - La libraire

Rien ne semble troubler la paix de Hardborough, aimable bourgade de l’East Anglia. Mais Florence Green, une jeune veuve, a décidé d’y ouvrir une librairie, ce qui déplaît aux notables de la ville. Florence voulait créer innocemment un lieu de sociabilité inédit ; elle découvre l'enfer feutré des médisances. Puis l’ostracisme féroce d’une partie de la population. Surtout lorsqu’elle s’avise de mettre en vente Lolita, le sulfureux roman de Nabokov. Alors, la guerre est déclarée, les clans s’affrontent, les personnages révèlent leur acrimonie. Florence sera très seule pour affronter le conformisme ambiant.

jeudi 1 décembre 2016

KAWAKAMI, Hiromi - Manazuru

Une femme (Kei), sa fille (Momo), son amant (Seiji)... et son mari disparu (Rei). Non pas défunt, mais mystérieusement évanoui dans la nature. Le seul indice qu'il a laissé est le mot Manazuru écrit dans son journal. Ce qui amène sa femme à se rendre régulièrement dans la station balnéaire du même nom.
Comme toujours dans les romans de Kawakami, le temps se tisse lentement et le secret des coeurs se donne à lire dans les gestes, les étreintes éphémères, la délicatesse des sensations. Mais dans Manazuru plus que dans les autres, la présence d'un monde invisible imprègne le quotidien et bouleverse la géographie sentimentale des êtres. Là-bas, au nord de la mer, il y a le bruit de la pluie dans le ciel immense, l'éblouissement d'étincelles d'un incendie, l'envol des hérons blancs sur des maisons en ruine : un instant de lumière à saisir, peut-être, entre apparition et disparition, souvenir et oubli, mystère de l'absence et appel de la vie.

vendredi 25 novembre 2016

DECLERCK, Patrick - Crâne

Crâne raconte l’opération du cerveau pratiquée sur Alexandre Nacht, double autobiographique de Patrick Declerck, afin de retirer l’essentiel d’une tumeur qui le menaçait depuis des années. Intervention de plusieurs heures, réalisée éveillé et crâne ouvert. Expérience-limite à hauts risques que l’auteur décrit ici, pas à pas : l’hôpital, les médecins, son propre corps, cet ennemi qui lui semble maintenant étranger, et sa rage de vouloir survivre malgré tout. 
Dans Crâne, au travers de Nacht son héros, Patrick Declerck s’observe, pèse le monde, et médite cette agression chirurgicale au siège même de sa pensée. Et s’il a survécu à cette intrusion qui a permis de prolonger sa vie, le coût philosophique autant que psychique en est maintenant de ne plus pouvoir échapper, un seul instant, à l’évidence de n’être jamais plus à lui-même que sa propre illusion. 
Un survivant, n’en déplaise, n’est plus tout à fait un vivant.

mardi 22 novembre 2016

DE SUZA, Linda - Des larmes d'argent

Linda de Suza, chanteuse d'origine portugaise, raconte les abus de confiance dont elle a été victime par son entourage. Elle témoigne de la jalousie que suscite la gloire et des souffrances qu'elle a endurées.

dimanche 20 novembre 2016

LE CLEZIO, J.M.G. - Tempête, 2 noveras

«En anglais, on appelle "novella" une longue nouvelle qui unit les lieux, l'action et le ton. Le modèle parfait serait Joseph Conrad. De ces deux novellas, l'une se déroule sur l'île d'Udo, dans la mer du Japon, que les Coréens nomment la mer de l'Est, la seconde à Paris, et dans quelques autres endroits. Elles sont contemporaines.» J. M. G. Le Clézio.
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Deux histoires brutales, intenses, l'une sur l'île d'Udo, au Japon, l'autre en banlieue de Paris, telles deux couleurs complémentaires d'une même langue.

Sans doute parce que les éditeurs rechignent à publier ce format hybride, peu d'écrivains contemporains s'attellent au genre de la novella, entre le roman et la nouvelle. Est-ce son admiration pour Hemingway, grand amateur de novellas, qui a poussé J.M.G. Le Clézio à composer ce diptyque d'ombre et de lumière, ce livre planète coupé en deux, enfoui dans les ténèbres d'un côté, dévoré par les feux de l'autre ? Les deux novellas de Tempête sont bien les deux faces d'une même médaille miraculeuse, enroulée autour du cou d'enfants visionnaires, illégitimes, éperdues d'amour. Des filles, comme souvent dans l'oeuvre de Le Clézio, graciles adolescentes avançant vers leur vie de femmes chargées de lourds traumas d'enfance.

Japonaise dans son décor comme dans l'imaginaire qu'elle charrie, la première novella, qui donne son titre au recueil, rappelle les images du tsunami du 11 mars 2011. La mer, vorace et impétueuse, noire et poisseuse, fait régner une sourde terreur. Liquide ­amniotique surdimensionné, l'élément entretient avec les femmes une relation dangereuse, faussement complice, faussement consolatrice. Des plongeuses de fortune s'y aventurent pour lui arracher les coquillages qu'elles vendront aux touristes, des mères hagardes y repêchent le cadavre de leur enfant rongé par les crabes, et parfois des femmes suicidaires lui confient leur corps à jamais.

C'est ce qui est arrivé à la compagne de Philip Kyo, écrivain de retour sur le rivage, des années après cette funeste disparition. Une fillette le rejoint tous les jours, pour lui tendre un miroir innocent, et le délivrer de ses tourments. Mouvante et filandreuse comme des algues dans les fonds marins, sa mémoire n'a qu'un point d'ancrage : le viol auquel il a assisté sans parler, pendant la guerre. J.M.G. Le Clézio n'a mis que des teintes sombres sur sa palette d'écrivain – sombres, mais étincelantes. Comme des gouttes qui forment un océan, les mots nuit, vent, tempête se répètent sans cesse, et drainent avec eux d'autres mots venus d'ailleurs, corps étrangers jetés à la mer, qui s'y agrègent et s'y décomposent pour lui donner sa force et sa couleur.

L'autre novella, Une femme sans identité, s'éloigne du mythe et de la cosmogonie pour s'ancrer dans la réalité bétonnée de la banlieue parisienne, où deux demi-soeurs venues d'Afrique découvrent la brutalité de l'exil. Cette fois, les corps ne sont pas engloutis, ils se cognent et se blessent sur le pavé. La langue de Le Clézio se fait alors plus dure, plus cassante. Mais l'écrivain voyageur a toujours quelques embruns de côté, une réserve d'ailleurs qu'il offre en secours aux personnages affligés. Quelques gravillons sous la semelle d'une jeune fille dans un camp d'étrangers qu'on s'apprête à expulser, et un bruit de sable au bord de la mer fait tout oublier.

Et chez Le Clézio, l'oubli n'est jamais un espace vide.

samedi 19 novembre 2016

CHALANDON, Sorj - Le quatrième mur

L'idée de Samuel était belle et folle : monter l'Antigone de Jean Anouilh à Beyrouth. Voler deux heures à la guerre, en prélevant dans chaque camp un fils ou une fille pour en faire des acteurs. Puis rassembler ces ennemis sur une scène de fortune, entre cour détruite et jardin saccagé. Samuel était grec. Juif, aussi. Mon frère en quelque sorte. Un jour, il m'a demandé de participer à cette trêve poétique. Il me l'a fait promettre, à moi, le petit théâtreux de patronage. Et je lui ai dit oui. Je suis allé à Beyrouth le 10 février 1982, main tendue à la paix. Avant que la guerre ne m'offre brutalement la sienne. S. C.

mercredi 16 novembre 2016

ANOUILH, Jean - Antigone (lue sur le web)

L'Antigone de Sophocle, lue et relue et que je connaissais par coeur depuis toujours, a été un choc soudain pour moi pendant la guerre, le jour des petites affiches rouges. Je l'ai réécrite à ma façon, avec la résonance de la tragédie que nous étions alors en train de vivre. Jean Anouilh.

Extrait du livre :
Un décor neutre. Trois portes semblables. Au lever du rideau, tous les personnages sont en scène. Ils bavardent, tricotent, jouent aux cartes.
Le Prologue se détache et s'avance.
LE PROLOGUE
Voilà. Ces personnages vont vous jouer l'histoire d'Antigone. Antigone, c'est la petite maigre qui est assise là-bas, et qui ne dit rien. Elle regarde droit devant elle. Elle pense. Elle pense qu'elle va être Antigone tout à l'heure, qu'elle va surgir soudain de la maigre jeune fille noiraude et renfermée que personne ne prenait au sérieux dans la famille et se dresser seule en face du monde, seule en face de Créon, son oncle, qui est le roi. Elle pense qu'elle va mourir, qu'elle est jeune et qu'elle aussi, elle aurait bien aimé vivre. Mais il n'y a rien à faire. Elle s'appelle Antigone et il va falloir qu'elle joue son rôle jusqu'au bout... Et, depuis que ce rideau s'est levé, elle sent qu'elle s'éloigne à une vitesse vertigineuse de sa soeur Ismène, qui bavarde et rit avec un jeune homme, de nous tous, qui sommes là bien tranquilles à la regarder, de nous qui n'avons pas à mourir ce soir.Le jeune homme avec qui parle la blonde, la belle, l'heureuse Ismène, c'est Hémon, le fils de Créon. Il est le fiancé d'Antigone. Tout le portait vers Ismène : son goût de la danse et des jeux, son goût du bonheur et de la réussite, sa sensualité aussi, car Ismène est bien plus belle qu'Antigone, et puis un soir, un soir de bal où il n'avait dansé qu'avec Ismène, un soir où Ismène avait été éblouissante dans sa nouvelle robe, il a été trouver Antigone qui rêvait dans un coin, comme en ce moment, ses bras entourant ses genoux, et il lui a demandé d'être sa femme. Personne n'a jamais compris pourquoi. Antigone a levé sans étonnement ses yeux graves sur lui et elle lui a dit «oui» avec un petit sourire triste... L'orchestre attaquait une nouvelle danse, Ismène riait aux éclats, là-bas, au milieu des autres garçons, et voilà, maintenant, lui, il allait être le mari d'Antigone. Il ne savait pas qu'il ne devait jamais exister de mari d'Antigone sur cette terre et que ce titre princier lui donnait seulement le droit de mourir.Cet homme robuste, aux cheveux blancs, qui médite là, près de son page, c'est Créon. C'est le roi. Il a des rides, il est fatigué. Il joue au jeu difficile de conduire les hommes. Avant, du temps d'Œdipe, quand il n'était que le premier personnage de la cour, il aimait la musique, les belles reliures, les longues flâneries chez les petits antiquaires de Thèbes. Mais Œdipe et ses fils sont morts. Il a laissé ses livres, ses objets, il a retroussé ses manches et il a pris leur place.

dimanche 13 novembre 2016

BLEYS, Olivier - Discours d'un arbre sur la fragilité des hommes

Dans la banlieue de Shenyang, ancienne ville industrielle, la famille Zhang vit pauvrement au milieu d'usines désaffectées et d'entrepôts à l'abandon. Pourtant, Wei et les siens détiennent un trésor : le dernier arbre à laque. Leur rêve : devenir propriétaires de leur petite maison, afin d'honorer un serment fait aux parents de Wei, enterrés sous le fameux arbre. Ce rêve est sur le point de se réaliser lorsqu'un grand projet minier menace soudain la famille d'expulsion. Une lutte inégale va alors s'engager opposant l'humble famille aux représentants du puissant capitalisme chinois.

Prenant comme toile de fond les transformations violentes de la Chine contemporaine, Discours d'un arbre sur la fragilité des hommes revisite la fable du pot de terre contre le pot de fer. Belle et profonde méditation sur les liens qui unissent l'homme et la nature, ce roman, écrit dans une langue magnifique, est un conte réel qui ne laissera aucun lecteur indifférent.

vendredi 11 novembre 2016

MANZINI, Antonio - Piste noire

Séducteur, corrompu, sarcastique, Schiavone est aussi antipathique qu’attachant. Le genre de héros qu’on adore détester…

Le commissaire Rocco Schiavone est romain jusqu’au bout des ongles : snob, macho et ronchon, il est doté d’un humour noir dévastateur. Muté à Champoluc dans le val d’Aoste, il vit son départ en province comme un exil. À son corps défendant, il doit quitter sa paire de Clarks adorée pour porter de répugnants après-ski et considère ses nouveaux collègues comme des ploucs.
Peu après son arrivée, on trouve le cadavre d’un homme sur une piste de ski, écrasé sous une dameuse. Accident ou meurtre? Quand le médecin légiste découvre un foulard dans la gorge de la victime, le doute n’est plus permis. Schiavone se plonge alors dans une enquête rocambolesque, freiné par son ignorance, voire son mépris, de la région et de ses usages. Mais certains habitants de cette vallée hostile et glaciale trouvent grâce à ses yeux. Notamment une habitante : la somptueuse Luisa Pec…

lundi 7 novembre 2016

MAUVIGNIER, Laurent - Ce que j'appelle oubli

Il s'est dirigé vers les boissons. Il a ouvert une canette de bière et l'a bue. À quoi a-t-il pensé en étanchant sa soif, à qui, je ne le sais pas. Ce dont je suis certain par contre, c'est qu'entre le moment où il est entré dans le supermarché et celui où les vigiles l'ont arrêté, ni lui ni personne n'aurait pu imaginer qu'il n'en sortirait pas.

jeudi 3 novembre 2016

INDRIDASON, Arnaldur - Le lagon noir

Reykjavik, 1979. Le corps d‘un homme est repêché dans ce qui va devenir le lagon bleu. Il s’agit d’un ingénieur employé à la base américaine de l’aéroport de Keflavik. Dans l’atmosphère de la guerre froide, l’attention de la police s’oriente vers de mystérieux vols effectués entre le Groenland et l’Islande. Les autorités américaines ne sont pas prêtes à coopérer et font même tout ce qui est en leur pouvoir pour empêcher la police islandaise de faire son travail. Dans un climat de tension, conscients des risques qu’ils prennent, Erlendur et Marion Briem poursuivent leur enquête avec l’aide d’une jeune femme noire, officier de la base.

Le jeune inspecteur Erlendur vient d’entrer à la brigade d’enquêtes criminelles, il est curieux, passionné par son métier, soucieux des autres, mais il ne cache pas son opposition à la présence américaine sur le sol islandais.

En parallèle, il travaille sur une vieille affaire non résolue. Une jeune fille disparue sur le chemin de l’école quarante ans plus tôt, à l’époque où la modernité arrivait clandestinement dans l’île, portée par les disques de rock et les jeans venus de la base américaine.

Indridason construit un univers particulier, une atmosphère pénétrante et sans nostalgie, un personnage littéraire de plus en plus complexe, et le roman noir, efficace, est transformé par la littérature.

vendredi 28 octobre 2016

McCARTHY, Cormac - L'obscurité du dehors

Le jour où naît l'enfant de l'inceste, le père Cullay HOLMES court le dissimuler dans un fourré, puis prend la fuite. La mère Rinthy HOLMES (sa soeur), sitôt relevée, part à la recherche du nourrisson qu'un colporteur a emporté. Et dès lors, au coeur des paysages mythiques du Sud américain, dans le désespoir et la confrontation avec les autres personnages du roman, commence pour chacun une errance dont les épisodes s'organisent comme des hymnes majeurs. Il fallait l'incroyable virtuosité du romancier Cormac McCarthy pour mettre en scène, avec une telle jouissance d'écriture, des personnages aussi frustes, pour donner une telle envergure à des dialogues d'illettrés, pour doter d'une telle richesse des scènes de si grande misère. Aussi lyrique que baroque, cette fable sur le bien et le mal, sur l'innocence livrée à la violence et au péché, est en vérité d'une force exceptionnelle.

lundi 24 octobre 2016

KARLSSON, Jonas - La pièce

La première neige est tombée sur Stockholm et Björn vient d’être muté à l’Administration. Mégalomane sur les bords, Björn a une opinion démesurée de son rôle. Arrogant et psychorigide, il est loin de faire l’unanimité parmi ses collègues. Mais Björn n’est pas là pour fraterniser ou bavarder inutilement, il est là pour travailler et montrer le bon exemple à ceux qui n’ont peut-être pas, comme lui, la bureaucratie dans le sang.
Un jour, il découvre une porte entre l’ascenseur et les toilettes. Elle ouvre sur un bureau inoccupé où règne un ordre parfait. Cette pièce lui procure une sensation singulière de calme et de bien-être, et il commence à s’y réfugier aussi souvent qu’il le peut pour se ressourcer. Mais un malaise grandissant se répand au sein du service. Pourquoi le nouveau venu reste-t-il toujours planté en plein milieu du couloir à fixer le mur ?
Après La Facture, Jonas Karlsson signe un livre délicieusement décalé, qui met en scène un personnage aussi saugrenu qu’irrésistible. Avec ce roman plein de fantaisie, l’auteur nous invite par l’absurde à faire réflexions sur le conformisme, l’intolérance, l’exclusion et la peur de la différence.

dimanche 23 octobre 2016

HARRISON, Jim - Une odyssée américaine

Cliff est à un tournant de sa vie. Plaqué par sa femme à soixante-deux ans, il décide de tout quitter et de prendre la route, à la recherche d'un nouveau souffle.

Bientôt rejoint par Marybelle, une ancienne étudiante avec qui il vit une liaison enflammée, il poursuit son chemin au gré des obsessions américaines. Célèbre à l'envi la beauté des femmes, le désir et l'ivresse quand bien même le festin touche à sa fin. Traverse le pays de part en part, attribuant à chaque État le nom d'une tribu indienne. 

S'attire les foudres ou l'incompréhension de l'Amérique bien pensante dans un pays qui n'est plus à un massacre près. Son voyage, ponctué de rencontres extravagantes et cocasses, lui apportera-t-il pour autant la renaissance tant recherchée ? 

Une odyssée américaine est une oeuvre magistrale. Un portrait des Etats-Unis et une profession de foi en la littérature comme Jim Harrison n'en avait jamais livré. Un chef-d'oeuvre d'une profonde humanité.

dimanche 16 octobre 2016

JOHNSON, Dorothy M. - La colline des potences

La Colline des potences est l’histoire de ces trois personnages, à l’ombre de l’arbre qui étend sur Skull Creek la menace d’un destin funeste. Pour chacun, il est question d’apprendre ; d’apprendre à échapper au destin dont on s’est fait des chaînes, à dompter ses peurs pour voir le monde tel qu’il est et devenir capable d’y grandir. Cet apprentissage passe par le don : Rune reçoit de Joe Frail un toit et une protection, même s’il n’y voit longtemps qu’esclavage, il reçoit ensuite d’Elizabeth la connaissance qui lui permet de lire et de décrypter ; Elizabeth reçoit l’amour du docteur, qui se cache d’abord puis s’exprime au grand jour. Quant à Joe Frail, il doit apprendre à accorder sa confiance pour espérer échapper au destin implacable qui le tient emprisonné. Ce récit d’apprentissage est écrit avec sensibilité et lucidité, baignant dans cette absurdité qui fait la folie des hommes, au cœur de laquelle brille l’éclat de l’or.

mardi 11 octobre 2016

PREBBLE, Stuart - Le maitre des insectes

Londres, années 1960. Quand Jonathan Maguire émerge d’un mauvais sommeil sur le sol du salon, il a les mains couvertes de sang et le corps de sa femme Harriet gît à ses côtés. Seule lui revient à l’esprit une violente dispute avec cette dernière, qu’il soupçonnait d’infidélité. Jonathan est le tuteur de son grand frère Roger, dont le handicap mental l’empêche d’être autonome et qui consacre tout son temps libre à un étrange et spectaculaire élevage d’insectes. 
Anéanti par la mort de sa jeune épouse, Jonathan est néanmoins déterminé à échapper à la police, terrifié à l’idée que s’il était arrêté pour meurtre, Roger serait placé dans une institution. Jonathan a sacrifié trop de choses, y compris son mariage, pour accepter cette éventualité. Lui seul peut protéger Roger, à la fois incapable d’exprimer sa pensée et terriblement lucide quand il s’occupe de ses milliers de créatures grouillantes.

mercredi 5 octobre 2016

KAUFFMANN, Jean-Paul - Outre-terre

Un récit de voyage magnifique sur les traces de Napoléon et du Colonel Chabert à Eylau. Qu'est-ce que la victoire ? Qu'est-ce que la défaite ? Comme Napoléon a pris conscience de sa vulnérabilité et de ses limites lors de cette sanglante bataille d'Eylau, Jean-Paul Kauffmann a laissé une part de lui-même au "royaume des ombres". Eylau c'est la rencontre paroxystique de l'Histoire et de la géographie. Une bataille napoléonienne qui a lieu le 8 février 1807 contre les Russes, en Prusse orientale, là où se trouvait autrefois la célèbre Königsberg fondée par les chevaliers teutoniques. Aujourd'hui, Eylau est située dans l'exclave de Kaliningrad, territoire russe séparé de la Russie par la Pologne et la Lituanie. Jean-Paul Kauffmann, qui s'était rendu une première fois à Kaliningrad en 1991, voulait y revenir mais, cette fois, en famille. Un voyage de cohésion familiale en quelque sorte. Eylau est une bataille à part dans les faits d'armes napoléoniens. Une victoire à la Pyrrhus, à l'arrachée, dont Napoléon n'aimait pas évoquer le souvenir quand il fut exilé à Ste-Hélène. Une bataille particulièrement meurtrière qui se déroula dans le brouillard, l'obscurité, sous la neige. Eylau est restée célèbre dans l'histoire pour la fameuse cavalerie de Murat mais aussi dans la littérature grâce au Colonel Chabert de Balzac. Le colonel Chabert que l'on donnait mort est un fantôme d'Eylau. Quand il revient en France, il doit prouver son identité pour recouvrer son territoire, sa femme, ses droits. C'est l'un des romans les plus captivants de Balzac. Une sorte de roman noir sur le mariage. " Tu te prends pour le colonel Chabert ", diront les fils de Jean-Paul Kauffmann en se moquant de lui. Car lui aussi a connu " le royaume des ombres " en passant 3 ans de détention au Liban. Revient-on jamais de ce monde entre la vie et la mort ? Jean-Paul Kauffmann a dû lui aussi retrouver sa place parmi les siens et Balzac a toujours été avec Simenon l'un de ses auteurs de prédilection. Retour à Eylau se déroule sur 4 journées qui sont aussi une quête. Il faut à tout prix atteindre le clocher d'Eylau car c'est de l'église que l'empereur dirigea la bataille. Et la tâche est semée d'embûches. Jean-Paul Kauffmann a une prédilection pour les territoires secrets ou dérobés, ceux qui échappent à l'évidence du regard et aux lieux communs. Car Eylau est aussi un tableau, celui peint par le baron Gros. Une toile commandée par Napoléon qui souligne la dureté de la bataille, les milliers de morts et de blessés. À son tour, Jean-Paul Kauffmann peint une nouvelle toile d'Eylau, plus expressionniste. À Eylau, l'Empereur a senti sa chance légendaire lui échapper et mesuré le poids du destin. Il a ouvert les yeux sur le sens de la tragédie. Il faut donc se rendre à Eylau pour ouvrir les yeux et comprendre jusqu'au vertige la charge des forces de la mort contre celles de la vie. Car comme tout grand livre, Retour à Eylau est l'histoire d'un vertige.Prix Fémina Essai, Grand Prix RTL-Lire, Prix Roger Nimier, Prix Jules Verne, Prix Air-France-Europe pour La Chambre noire de Longwood.

mercredi 28 septembre 2016

ENQUIST, Anna - Quatuor

Anna Enquist nous entraîne dans un avenir proche et dans une ville qui, jamais nommée, ressemble étrangement à Amsterdam.
Un quatuor amateur réunit des amis à qui la pratique musicale offre un dérivatif bienvenu à une vie professionnelle ou personnelle difficile. Caroline (violoncelle) est médecin généraliste; Jochem (alto) est luthier; Heleen (deuxième violon) est infirmière; Hugo (premier violon) dirige un centre culturel qui n’en a plus que le nom…
Et puis il y a Reinier, ancien soliste virtuose auprès de qui Caroline prend toujours des leçons, vieillard vivant reclus dans la terreur du monde qui l’entoure.
Tandis que la musique de Mozart, Schubert ou Dvořák est une consolation pour les quatre amis, la ville alentour est le théâtre d’une affaire criminelle qui, de prime abord, ne semble pas les concerner.
Dans l’avenir proche esquissé par Anna Enquist, la culture est un luxe inutile, l’assurance maladie un privilège, et la vieillesse une disgrâce que l’on camoufle dans des institutions aux allures pénitentiaires. Un monde inhospitalier, inquiétant, et qui pourtant nous est familier. À la beauté du motif musical, la grande romancière néerlandaise ajoute ici des éléments nouveaux dans son oeuvre : une critique politique et sociale aux accents visionnaires et une intrigue digne d’un thriller.

mercredi 21 septembre 2016

BEATRIX, Anne-Laure & DILLARD, François-Xavier - Austerlitz 10.5

Imaginez un monde où la Joconde a disparu...

En 1910 la Seine avait atteint lors de la grande crue de Paris son niveau maximal : 8.62 mètres sur l'échelle hydrométrique du pont d'Austerlitz. 
Aujourd'hui, la pluie tombe depuis trois jours dans la capitale. Les trois premiers jours les habitants de la grande ville ont râlé. Et puis, le soir du quatrième jour, l'alimentation électrique a été coupée. La plupart des arrondissements ont alors connu un black-out total faisant souffler un vent de panique sans précédent dans la population. Le métro a été fermé. L'ensemble du vaste réseau sous-terrain des transports publics s'étant retrouvé noyé par des hectolitres d'eau sombre et glacée. Lorsque les premiers immeubles se sont effondrés et que la grande vague de boue a déferlé sur la ville, une véritable hystérie collective s'est emparée des parisiens et les pires exactions ont été commises. Au nom de la survie... La peur, puis la violence ont déferlé sur la ville. 
Paris est dévastée et la plupart des habitants, du moins ceux qui ont la chance d'avoir encore un toit, se terrent chez eux en attendant que cette pluie démentielle cesse enfin... 
Sous le pont d'Austerlitz l'eau a atteint son record : 10.5. 

Un an plus tard, on sait que Paris ne sera plus jamais la même. Pour François Mallarmé qui a tout perdu dans cette catastrophe, sa femme et son enfant, la vie n'est qu'un long cauchemar. Il continue tant bien que mal à faire son boulot de flic dans une ville où plus rien n'a de sens. Jusqu'au jour où une affaire de meurtres sordides le ramène à son cauchemar, au cœur même du Louvre, dans ce musée qui pour le monde entier était le symbole de ce qui fut la plus belle ville du monde, et où même la Joconde a disparu....

samedi 17 septembre 2016

DEREY, Jean-Claude - Fordlandia


Henry Ford, c'est un fait mal connu, a inspiré Hitler à travers les nombreux articles antisémites de son journal, le Dearborn Independent. Dans les années 1920, Luther, un jeune juif, postule comme rédacteur en chef du journal. Sous couvert de cette fonction et en cachant ses origines, il gagne la confiance de l'industriel et renseigne ainsi la communauté juive américaine sur les tractations secrètes entre Hitler et Ford, qui contribue au financement du parti national socialiste. Mais Luther est démasqué et envoyé par Ford dans sa plantation de caoutchouc en Amazonie sous prétexte d'enquêter sur l'assassinat d'un des cadres. En fait, le chef de la plantation de Fordlandia est chargé de l'éliminer en simulant un accident...

dimanche 11 septembre 2016

KOBAYASHI, Takiji - La bateau-usine

Enfin traduit en français, le Bateau-usine est le chef d'oeuvre de Kobayashi Takiji. Ce classique décrit les conditions de vie inouïes des travailleurs à bord d'un navire pêchant le crabe dans les mers froides et dures, entre Japon et URSS. Exploités et humiliés, ces hommes découvrent la nécessité de l'union et de la révolte. Réaliste et novateur, ce texte culte connut un succès international. II rencontre aujourd'hui un regain d'intérêt, entraînant la sortie de plusieurs films, mangas, etc. Quatre-vingts ans après sa parution, en 1929, il est devenu au japon le porte-flambeau d'une jeunesse désenchantée. Une oeuvre engagée et avant-gardiste, plus que jamais d'actualité.

vendredi 9 septembre 2016

NOTHOMB, Amélie - Tuer le père

"Allez savoir ce qui se passe dans la tête d’un joueur."

En 2010, Amélie Nothomb est intriguée par Joe Whip et Norman Terence, deux magiciens américains, croisés dans une fête, que tout semble séparer.

jeudi 8 septembre 2016

FERRO, Marc - La colonisation expliquée à tous

L'Europe a-t-elle inventé la colonisation ? Pourquoi a-t-elle dominé une grande part du monde aux XIXe et XXe siècles ? Comment cela a-t-il été possible après les Lumières et la Déclaration des droits de l'homme ? Qu'est-ce que l'impérialisme ? Les peuples colonisés se sont-ils laissés faire ? Quel est le lien entre colonisation et esclavage ? Quelle a été l'ampleur du travail forcé ? Qui a protesté ? Et qu'est-ce qui a déclenché le mouvement de libération des peuples colonisés ? Marc Ferro répond à toutes ces questions, et à bien d'autres.

mardi 6 septembre 2016

Revue des Deux Mondes - Juin 2016


Sommaire

Editorial
Valérie Toranian — Le féminisme, pour le meilleur et sans le pire

Dossier : Les femmes, l’islam et la République


Valérie Toranian — Élisabeth Badinter. « La gauche n’a jamais été aussi soumise aux injonctions religieuses... »
Leïla Slimani — Résister aux fantasmes
Caroline Fourest — Modernité trompeuse du féminisme religieux et sexiste
Bérénice Levet — Événements de Cologne : un cas d’école de la déroute des néoféministes
Malek Chebel — La femme en islam : entre dogme religieux et tradition patriarcale
Abnousse Shalmani — Les enfants de Spinoza et de Sade
Pierre-André Taguieff — Fureurs et misères des néoféministes

Études, reportages, réflexions


Øystein Noreng — Daesh, l'argent et le pétrole
Jean-Paul Mari — Les veilleurs de l'Aquarius
Catherine Wihtol de Wenden — Les grandes vagues migratoires en France
Catherine Clément — Chicanes et merveilles sur les bords de la Seine
Annick Steta — L'avenir incertain de l'économie iranienne
Pasquale Baldocci — Le projet européen : paradoxes de relance
Robert Kopp — Face à la barbarie : l'art en France des années trente aux années cinquante

Littérature

Olivia Rosenthal — Portraits de novembre
Michel Delon — Frankenstein, deux cents ans plus tard
Marin de Viry — Affaire Millet, suite...
Patrick Kéchichian — Ludovic Janvier et sa langue vivante
Olivier Cariguel — Henri Michaux ou l'art d'éconduire
Frédéric Verger — Nouvelles du capitalisme
Marin de Viry — L'aristo est-il entré dans la moulinette ?

Critiques 

Henri de Montety — Livres – Brève histoire des empires
Eryck de Rubercy — Livres – Pérennité de Jean Cocteau
Joseph Voignac — Livres – Juifs de France : une communauté dans la tourmente
Bertrand Raison — Expositions – Les cartes de Seydou Keïta
Robert Kopp — Expositions – Lumières de Darwin
Olivier Cariguel — Expositions – Femmes en résistance
Jean-Luc Macia — Disques – Harnoncourt, le passé au futur

Notes de lecture

Marie-Laure Delorme;Robert Kopp;Robert Kopp;Marie-Laure Delorme;Bertrand Raison;Charles Ficat;Lucien d’Azay;Charles Ficat;Olivier CariguelJean-Pierre Naugrette;Henri de Montety;Stéphane Ratti;Patrick Kéchichian;Olivier Cariguel;Michèle Fitoussi — Né au bon moment;Les Bûchers de la liberté;Génération sans pareille. Les baby-boomers de 1945 à nos jours;Tout ce qu’on ne s’est jamais dit;La Porte au coeur de l’intime;Histoire du silence. De la Renaissance à nos jours;L’Oreille d’or;La Fontaine;Lettres

France Culture Papier - N° 14 - Eté 2015



Penser et se dépenser, petite philosophie du sport

L’avenir du passé
Plutôt que de se retourner sur le seul trimestre passé et de ne publier que les archives les plus fraîches de la radio, France Culture Papiers, pour ce numéro 14, s’est projeté dans le futur d’une actualité qui va nous occuper à l’automne, la grande conférence sur le climat, tout comme nous sommes allés chercher dans un fonds radiophonique plus ancien quelques grands témoignages.
L’avenir, d’abord : c’est celui que nous promet pour la grille d’été la Grande Traversée autour du Climat, de Matthieu Garrigou-Lagrange. Au magazine de la rédaction de France Culture sur le Pérou et la menace climatique, s’ajoute ainsi un grand entretien avec Jean-Louis Étienne qui nous parle de sa future mission scientifique pour l’océan Austral dans un étrange navire, une immense bouée dérivante nommée Polar Pod.
Nos archives, ensuite : le grand portrait d’Emmanuel Laurentin, producteur emblématique – avec sa remarquable équipe – de la Fabrique de l’Histoire, nous autorise à aller chercher dans le passé les racines du succès de nos programmes. « Penser ou se dépenser, petite philosophie du sportif » a puisé allègrement dansles Nouveaux Chemins de la Connaissance, produits par Raphaël Enthoven en 2009 : intelligence du corps, combat fraternel du rugby, beauté du geste du tennis, expérience paradoxale du surf, euphorie musculaire de l’escalade… Avec un numéro de Répliques d’Alain Finkielkraut sur l’empire du sport, mettant aux prises Robert Redeker et André Dussollier, et une Grande Table de Caroline Broué, nos producteurs ont du talent pour nous parler du sport autrement.
Comment également ne pas évoquer l’Essaouira d’Abdelwahab Meddeb, une Ville Monde diffusée en 2013 et qui nous rappelle l’immense talent de ce producteur récemment disparu ?
Quant à nos A Voix Nue, ils nous permettent aussi bien d’entendre Germaine Tillion, récemment panthéonisée, au micro de Jean Lacouture que Fabrice Luchini interrogé par Jean-Michel Djian. Un bel et grand écart.
Et pour finir, passez un superbe été en compagnie, dans le désordre, de Winston Churchill, Orson Welles, Constance Wilde, l’épouse d’Oscar, Pierre Gagnaire, Arthur Rimbaud et Louison, la première caricaturiste de la radio. Du beau monde pour ne pas se sentir seul en cet été 2015.
Pendant ce temps, nous préparons la grille de rentrée. Que nos auditeurs devenus internautes grâce au site Franceculture.fr, à ses presque dix millions de téléchargements mensuels, à Fictions.
franceculture.fr, à France.culture.plus, que les autres convertis à la lecture de la radio à travers France Culture Papiers, se rassurent. France Culture, station du groupe Radio France, ne perdra rien de sa singularité, rien de sa magie dans les années qui viennent. À bien lire toutes celles et tous ceux qui pendant la longue grève de ce récent printemps nous ont témoigné de leur attachement à cette exception culturelle à l’échelle du monde, de leur manque de ne pas nous entendre, cette promesse vaut engagement.
Olivier Poivre d’Arvor


AU SOMMAIRE DE CE N° 14 :
Penser & se dépenser : petite philosophie du sport, avec Raphaël Enthoven, Alain Finkielkraut, André Dussollier...Climat : un diagnostic de la planète avec Jean-Louis Etienne.Grand entretien avec Fabrice Luchini. Et à écouterdans A voix nue .
L’actualité en dessins : Louison croque l’actualité en direct chaque vendredi dans Les matins . L’invité : Emmanuel Laurentin, producteur de l’émission quotidienne La Fabrique de l’histoire.

L’ATELIER DU SAVOIR

> Le sport, c’est de la culture ! L’idée reçue selon laquelle philosophie et sport n’auraient rien à se dire est tenace. Et pourtant, le sport mérite d’être pensé par la philosophie, c’est-à-dire la gymnastique de l’esprit. Les Nouveaux chemins de la connaissance, La Grande table, Répliques
Liberté de la presse, la fragile conquête. "La libre communication des pensées est un des droits les plus précieux de l’homme" (Déclaration des droits de l’homme, article 11). Concordance des temps

La panthéonisation en démocratie. Avec Mona Ozouf et Philippe Belaval. Répliques

L’EXPERIENCE DU MONDE

> Jean-Louis Etienne diagnostique la planète. L’Océan Austral est le seul à ne pas être limité par les continents. En mouvement incessant autour de l’Antarctique, il est un acteur du climat. C’est là-bas que Jean-Louis Etienne lance sa prochaine mission scientifique. Grande traversée : "L’invention du climat" (du 24 au 28 août 2015)

Pérou, vivre sous la menace climatique. Au Pérou, qui regroupe l’essentiel des neiges éternelles tropicales, les glaces ont perdu 40% de leur surface, et quand les gigantesques lacs d’altitude débordent, ils provoquent de véritables tsunamis menaçant les villes et les villages. Magazine de la rédaction

Allume ton portable, je te dirai où tu es. GPS, badges, smartphones… ces technologies qui ne nous quittent plus nous localisent à tout moment. Comment garantir nos libertés ? Esprit de justice

Essaouira, l’usage du monde. Ville maritime et "port de Tombouctou" où s’est écrite la "mémoire des sables", au croisement de la mer et du désert. Un documentaire d’Abdelwahab Meddeb. Villes-Mondes

NOS ARCHIVES

> Germaine Tillion. En 1997, Germaine Tillion revenait sur sa vie au micro de Jean Lacouture : ses premiers voyages d’ethnologue, la résistance, la libération de Ravensbrück et la guerre d’Algérie. A l’occasion de son entrée au Panthéon aux côtés de Geneviève de Gaulle-Anthonioz, Jean Zay et Pierre Brossolette, retrouvons les paroles, souvent prémonitoires, de celle qui fit toujours le choix de la vie. A voix nue (1997)

Le paradoxe Churchill. "C’est assurément un paradoxe de l’histoire que ce soit à cet homme aux idées tellement conservatrices, voire archaïques, que l’Europe est redevable de ses libertés présentes, de ses espoirs de progrès futurs". Grande conférence (1967)

LES CHEMINS DE LA CREATION

> Rimbaud, l’invention du poète. Retour sur l’un des poètes les plus énigmatiques que le monde ait connu et qui, plus de 160 ans après sa naissance, continue d’inspirer. Sur les Docks (11 juin) et Grande traversée(du 27 au 31 juillet 2015)

Orson Welles au travail. Suivre Orson Welles dont on fête le centenaire de la naissance en 2015, c’est un "Work in Progress" permanent, une leçon de cinéma éblouissante. Atelier de la création

Pierre Gagnaire, le goût des choses. L’amour des mots et des mets. Hors champs

Madame Wilde. Scénario de Claire Barré. Fiction

Femme célèbre cherche emploi à sa mesure. Lettre de motivation de la Vénus de Milo. Des Papous dans la tête


jeudi 1 septembre 2016

WATAYA, Risa - Pauvre chose


Il paraît qu’en Occident, on ne refuse pas d’aider une amie qui a des ennuis. Alors, lorsque son copain Ruydan décide d’héberger sous son toit Akiyo, qui n’a ni maison ni travail, la pauvre, Julie se dit que, ah, si c’est comme ça qu’on fait en Occident, alors, oui, elle va faire un effort.

mardi 30 août 2016

CARTON, Claude - Rimbaud, retour sur images

Un livre sur Arthur Rimbaud et Charleville (ou Charlestown, ou Charleville-Mézières), sa ville natale. La première partie est une promenade dans la ville et les communes de la région. La seconde partie est consacrée aux poèmes et autres écrits qu'écrivit Rimbaud et qui ont participé à l'instauration de sa renommée.

CARRERE, Emmanuel - Il est avantageux d'avoir où aller

Ce livre de plus de 500 pages réunit la plupart des articles écrits par Emmanuel Carrère depuis 25 ans dans la presse (du Nouvel Observateur à La Règle du jeu, en passant par Les Inrockuptibles ou XXI). Ces textes couvrent les sujets les plus divers : de l'amour à la politique, de la littérature au cinéma, de la société et des faits divers à l'intime. On y lit l'amorce de préoccupations qui donneront plus tard lieu à des livres, on y vit avec l'auteur, ses doutes, ses échecs (par exemple une calamiteuse interview de Catherine Deneuve...), ses réussites, ses enthousiasmes, de Truman Capote à Sébastien Japrisot, du mathématicien anglais Alan Turing à Luke Rinehart. On s'y plonge dans de grands reportages sur la Roumanie, sur une junkie américaine, sur la Russie, sur le forum de Davos. On y lit aussi des préfaces à Moll Flanders de Defoe, à l'intégrale des nouvelles de Philippe K. Dick ou encore à « Epépé », de Ferenc Karinthy. Et même, pendant neuf chroniques écrites pour un magazine italien, il est « envoyé spécial dans le coeur des hommes » et, plus particulièrement, dans le sien. Bref un panorama quasi complet des talents d'Emmanuel Carrère : Analyste, chroniqueur, commentateur, aventurier, satiriste, critique et avant tout écrivain.

samedi 20 août 2016

BEIGBEDER, Frédéric - Nouvelles sous ecstasy

Certains territoires du cervelet et d'autres champs de la conscience sont restés inexplorés avant les années quatre-vingt et la découverte d'une nouvelle drogue, la MDMA, plus connue sous le nom d'ecstasy. Drogue dure, cette "pilule de l'amour" à effet rapide "avec une montée et une descente comme dans les montagnes russes" rend la vie des personnages de ce recueil de nouvelles parfois difficile : jouissive avant d'être sombre, heureuse avant d'être déprimante. On s'aime, on se déchire, on fait des choses folles comme voir le monde au bord du gouffre, oublier ses inhibitions et ses tabous... et puis... passer les bornes. Oui sans doute, sans doute, car voilà tout le talent de Beigbeder. Avec beaucoup d'humour et d'invention, il nous propose une réflexion sur l'amour et sur la folie, deux concepts aux multiples ramifications. Et avec toute l'affection dont il est capable, il partage le "trip" de ses personnages, nous offrant la possibilité d'hésiter : est-ce l'auteur qui écrit sous ecstasy ou le récit de la vie d'individus en plein envol ? Peut-être bien les deux, ce qui ne gâche en rien le plaisir de la lecture. --Hector Chavez

mercredi 17 août 2016

VUILLARD, Eric - Congo

Regarde ! Ce sont les puissances d'Europe telles que Dieu les 
a faites et telles que moi j'ai épousseté leurs os et tendu leur 
peau toute blanche. Elles faisaient bien ce qu'elles voulaient de 
leurs domestiques et de leurs nègres, eh bien moi, je dispose 
de leurs grandes carcasses héroïques ; j'en fais ce qui me plaît. 
Je les ressuscite et je les montre, là, comme des singes de 
cirque, grands singes vainqueurs dans un océan de misère.

mardi 16 août 2016

FROBENIUS, Nikolaj - Branches obscures

Auteur respecté du paysage littéraire norvégien, le père de famille Jo Uddermann mène une petite vie tranquille dans une banlieue endormie d’Oslo. Il vient de publier un roman biographique sur un ami d’enfance décédé, un livre dans lequel il n’hésite pas à étaler – au nom de la vérité littéraire – les détails les plus intimes sur son ami, à s’interroger sur l’obscurité de son âme, à se livrer à des spéculations sur sa véritable nature, dressant ainsi le portrait d’un garçon instable, manipulateur et pervers. Le roman fait polémique et bientôt des petites irrégularités viennent troubler son quotidien : des SMS étranges provenant d’un numéro masqué, une intrusion chez lui sans motif apparent, une Barbie décapitée, un chien mort gisant devant son garage, la sensation d’être surveillé. Et lorsque son éditeur l’appelle pour accuser réception de son autobiographie, sa vie bascule dans le chaos : il n’en est pas l’auteur et la seule personne qui aurait pu l’écrire à sa place n’est plus de ce monde…
Nikolaj Frobenius est de retour avec un roman insidieux profondément troublant où les frontières entre le réel et le romanesque s’effritent imperceptiblement jusqu’à ce qu’il n’y ait plus aucune certitude. La limite est franchie, les rôles sont inversés – l’heure de la vengeance du personnage sur son auteur a sonné.

samedi 13 août 2016

D'ORMESSON, Jean - Je dirai malgré tout que cette vie fut belle

Pour se défendre dans un procès qu’il s’intente à lui-même, l’auteur fait défiler au galop un passé évanoui. Il va de l’âge d’or d’un classicisme qui règne sur l’Europe à l’effondrement de ce «monde d’hier» si cher à Stefan Zweig. De Colbert, Fouquet, Bossuet ou Racine à François Mitterrand, Raymond Aron, Paul Morand et Aragon. 
Mais les charmes d’une vie et les tourbillons de l’histoire ne suffisent pas à l’accusé : 
«Vous n’imaginiez tout de même pas que j’allais me contenter de vous débiter des souvenirs d’enfance et de jeunesse? Je ne me mets pas très haut, mais je ne suis pas tombé assez bas pour vous livrer ce qu’on appelle des Mémoires.» 
Les aventures d’un écrivain qui a aimé le bonheur et le plaisir en dépit de tant de malheurs cèdent peu à peu la place à un regard plus grave sur le drame qui ne cesse jamais de se jouer entre le temps et l’éternité, et qui nous emportera.

vendredi 29 juillet 2016

CLEMENT, Gilles - LONSDALE, Michael - PELT, jean-Marie - SCHEYDER, Patrick - Des jardins et des hommes

Le jardinier paysagiste, l'acteur et le botaniste, tous trois engagés en faveur de la biodiversité, racontent la relation qu'ils entretiennent avec le jardin. Espace de contestation et de remise en cause de la société pour l'un, il est lieu de méditation spirituelle pour l'autre ou encore endroit de la découverte de l'écologie pour J.-M. Pelt, disparu en décembre 2015.

samedi 23 juillet 2016

Melissa P. - Cent coups de brosse avant d'aller dormir

" Je veux de l'amour, cher journal. Je veux sentir mon cœur fondre et se précipiter dans un océan de passion et de beauté. " Melissa a seize ans, l'âge de l'extraordinaire attente, du vertige devant l'inconnu du sexe, du plaisir et des sentiments. L'âge où sur les rivages torrides de Sicile comme ailleurs, on rêve d'un garçon qui vous offrirait tout à la fois. Mais autour d'elle, personne pour la protéger et lui dire " je t'aime ". Alors, par défi, par dépit, par curiosité, par désespoir aussi, elle se donne au premier venu. Puis au deuxième et à tous les autres. Chez ces hommes et ces adolescents, elle ne trouve que cruauté, violence, lâcheté, désir de jouir et d'humilier. Melissa s'engage alors dans une spirale de vice et de destruction elle fera, et au-delà, tout ce qu'ils demandent, jusqu'à l'obscénité. Qui la fera sortir de ce piège ? Une confession érotique d'une rare audace, saisissante d'intelligence et de style.

vendredi 22 juillet 2016

TESSON, Sylvain - Berezina

«Il y a deux siècles, des mecs rêvaient d’autre chose que du haut-débit. Ils étaient prêts à mourir pour voir scintiller les bulbes de Moscou.» 

Tout commence en 2012 : Sylvain Tesson décide de commémorer à sa façon le bicentenaire de la retraite de Russie. Refaire avec ses amis le périple de la Grande Armée, en side-car! De Moscou aux Invalides, plus de quatre mille kilomètres d'aventures attendent ces grognards contemporains.

«Une épopée livresque, diablement tonique, rebelle à mort.»
Christophe Ono-dit-Biot, Le Point

Elu «meilleur livre de voyage 2015» par le magazine Lire
Prix des Hussards 2105
Prix littéraire de l'Armée de Terre - Erwan Bergot 2015

dimanche 17 juillet 2016

JAN, Guillaume - Le cartographe

Lazare, 25 ans, accompagne un groupe de rock dans sa tournée européenne. Mais le projet tourne court à Sarajevo et le jeune homme doit se débrouiller seul pour rentrer en France. Le chemin du retour se révèle plus compliqué que prévu : par distraction, par nonchalance, par curiosité aussi, cet Ulysse maladroit va se perdre dans les Balkans. Découvrant les lois du vagabondage, il affronte des tempêtes, croise des âmes perdues et des compagnons providentiels, travaille où il peut, dort dehors, voyage en clandestin, embarque sur un vaisseau fantôme... Au fil de cette errance chaotique, c'est une géographie de l'âme qui commence à se dessiner sous les pas de Lazare et sur le dos de la carte d'Europe qu'il annote comme un journal intime. La route se fait alors plus sinueuse, les rencontres plus inquiétantes. Le point de non-retour semble inéluctable.

samedi 16 juillet 2016

CHESSEX, Jacques - Le dernier crâne de M. de Sade

"Un vieux fou est plus fou qu'un jeune fou, cela est admis, quoi dire alors du fou qui nous intéresse, lorsque l'enfermement comprime sa fureur jusqu'à la faire éclater en scènes sales?"

Quel est l'homme de 74 ans enfermé dans l'hospice de Charenton, au printemps 1814, qui a commis tant de crimes et semble ne se repentir en rien? Fuyard, brûlé en effigie, rescapé, embastillé, sodomite, blasphémateur, soupçonné d'inceste, et pourtant encore là, bouillant d'idées et d'ulcères, désireux de poursuivre l'œuvre de chair. Quel usage Mademoiselle Madeleine Leclerc fait-elle de ses 16 ans, de son corps efflanqué, viscieux? D'où viennent ces hurlements ou ces soupirs? A quoi l'isolement contraint-il ces libertins en chambre? N'aurait-il pas au moins peur de la mort, où "chacune de ses paroles, chacun de ses actes résonne plus fort"?
Cet homme se nomme Donatien-Alphonse de Sade. Il meurt en décembre 1814, sa tombe au cimetière de Charenton sera ouverte en 1818, et son crâne, "ornement lui-même, de magie intense, de hantise sonore", passe dans les mains du docteur Ramon, le jeune médecin qui le veilla jusqu'à la mort. Relique, vanité, rire jeté à la face de toutes choses, effroi érotique, le crâne de M. de Sade roule d'un siècle à l'autre, incendiant, révélant et occupant le narrateur de ce roman.

vendredi 15 juillet 2016

AZOULAI, Nathalie - Titus n'aimait pas Bérénice

Quand on parle d'amour en France, Racine arrive toujours dans la conversation, à un moment ou à un autre, surtout quand il est question de chagrin, d'abandon. On ne cite pas Corneille, on cite Racine. Les gens déclament ses vers même sans les comprendre pour vous signifier une empathie, une émotion commune, une langue qui vous rapproche. Racine, c'est à la fois le patrimoine, mais quand on l'écoute bien, quand on s'y penche, c'est aussi du mystère, beaucoup de mystère. Autour de ce marbre classique et blanc, des ombres rôdent. Alors Nathalie Azoulai a eu envie d'aller y voir de plus près. Elle a imaginé un chagrin d'amour contemporain, Titus et Bérénice aujourd'hui, avec une Bérénice quittée, abandonnée, qui cherche à adoucir sa peine en remontant à la source, la Bérénice de Racine, et au-delà, Racine lui-même, sa vie, ses contradictions, sa langue. La Bérénice de Nathalie Azoulai veut comprendre comment un homme de sa condition, dans son siècle, coincé entre Port-Royal et Versailles, entre le rigorisme janséniste et le faste de Louis XIV, a réussi à écrire des vers aussi justes et puissants sur la passion amoureuse, principalement du point de vue féminin. En un mot, elle ne cesse de se demander comment un homme comme lui peut avoir écrit des choses comme ça. C'est l'intention de ce roman où l'auteur a tout de même pris certaines libertés avec l'exactitude historique et biographique pour pouvoir raconter une histoire qui n'existe nulle part déjà consignée, à savoir celle d'une langue, d'un imaginaire, d'une topographie intime. Il ne reste que peu d'écrits de Racine, quelques lettres à son fils, à Boileau mais rien qui relate ses tiraillements intimes. On dit que le reste a été brûlé. Ce roman passe certes par les faits et les dates mais ce ne sont que des portes, comme dans un slalom, entre lesquelles, on glane, on imagine, on écrit et qu'on bouscule sans pénalités.

samedi 9 juillet 2016

POWER, Brian - Le dernier fils du ciel

Choisi par la terrible Impératrice douairière, P'ou Yi a trois ans lorsque, en 1909, il monte sur le trône du Dragon. Il sera le dernier empereur de Chine. Bientôt, la révolution éclate, la république est proclamée. P'ou Yi est contraint d'abdiquer, mais on lui permet de demeurer dans la Cité interdite. Entouré d'eunuques et de concubines, élevé par un précepteur écossais et homosexuel, qui l'appelle son "petit poussin", l'adolescent mène une existence fastueuse et recluse derrière les murs de la Cité. A seize ans, on le marie à une ravissante princesse mandchoue.
Viennent ensuite les années d'exil. Lui faisant croire que sa vie est menacée, les Japonais le persuadent de s'enfuir à Tien Tsin, d'où ils l'embarquent pour la Mandchourie. En 1932, P'ou Yi prend le titre d'empereur de la Mandchourie, empereur fantoche s'il en fût, entièrement manipulé par les Japonais.
En 1945, il est capturé par les Russes, emmené en Sibérie puis, après la victoire de Mao, rendu aux Chinois. Envoyé dans un camp de réhabilitation par le travail qui fait de lui, apparemment, un citoyen modèle de la nouvelle Chine, il finira tranquillement ses jours à Pékin, comme "archiviste", il meurt en 1967.
Brian Power est né et a vécu en Chine jusqu'à la guerre, notamment à Tien Tsin où il a croisé P'ou Yi et sa suite. Mordant, ironique, il restitue à merveille l'ambiance délétère et fabuleuse de la Cité interdite, celle, joyeuse et ridicule de Tien Tsin à l'époque des concessions et, surtout, il nous raconte le roman d'une vie.
Qui fut P'ou Yi ? Ce pantin ballotté par l'histoire, petit homme un peu demeuré et cruel, qui partageait son temps entre des "jeux" avec ses pages, l'observation des fourmis et qui, à 30 ans, ne savait toujours pas s'habiller seul, fut néanmoins suffisamment rusé pour, jouant de son apathie, réussir à traverser sans trop de dommages une période particulièrement folle.
On comprend que cet invraisemblable personnage ait fasciné le metteur en scène Bertolucci, qui lui consacre un film, la première superproduction occidentale entièrement réalisée en Chine.

lundi 27 juin 2016

TAWADA, Yoko - Journal des jours tremblants, Après Fukushima

Invitée à donner trois leçons de poétique à l'université de Hambourg, Yoko Tawada prononce sa première conférence le 4 mai 2011, moins de deux mois après la catastrophe qui marque d'ores et déjà un tournant décisif de l'histoire du Japon moderne. Son propos s'en trouve, dès lors, transformé. Le nom de Fukushima s'inscrit désormais à côté de celui de Hiroshima comme un emblème de la relation problématique que le Japon entretient avec sa propre insularité et avec l'altérité occidentale. Ces conférences sont l'occasion de s'interroger sur l'image du Japon en Occident depuis trois siècles. Après avoir tenté de concilier le strict isolement qui préservait sa culture avec l'établissement de relations commerciales très circonscrites, le Japon a fini par accueillir sans retenue la modernité occidentale. Evitant le piège qui consisterait à juger une culture par l'autre, Yoko Tawada préfère éclairer les transferts et les glissements de sens opérés par l'Histoire, afin de mieux comprendre le présent. Les thèmes de ces leçons entrent de ce fait en résonance avec les textes que la romancière a publiés dans la presse germanophone en réaction à la récente catastrophe nucléaire. Augmentés d'un texte plus récent écrit en japonais, ils illustrent la vigilance critique de l'auteur et constituent une première réponse à l'injonction "d'écrire après Fukushima".

dimanche 19 juin 2016

ENARD, Mathias - Boussole

Lu à moitié...

Insomniaque, sous le choc d'un diagnostic médical alarmant, Franz Ritter, musicologue viennois, fuit sa longue nuit solitaire dans les souvenirs d'une vie de voyages, d'étude et d'émerveillements. Inventaire amoureux de l'incroyable apport de l'Orient à la culture et à l'identité occidentales, Boussole est un roman mélancolique et enveloppant qui fouille la mémoire de siècles de dialogues et d'influences artistiques pour panser les plaies du présent. Après Zone, après Parle-leur de batailles, de rois et d'éléphants, après Rue des Voleurs… l'impressionnant parcours d'écrivain de Mathias Enard s'épanouit dans une magnifique déclaration d'amour à l'Orient.

HALL, Louisa - Trinity

15 juillet 1945, Los Alamos, Nouveau-Mexique. Robert Oppenheimer, brillant scientifique et créateur de la bombe atomique, compte les heures,...