vendredi 25 novembre 2016

DECLERCK, Patrick - Crâne

Crâne raconte l’opération du cerveau pratiquée sur Alexandre Nacht, double autobiographique de Patrick Declerck, afin de retirer l’essentiel d’une tumeur qui le menaçait depuis des années. Intervention de plusieurs heures, réalisée éveillé et crâne ouvert. Expérience-limite à hauts risques que l’auteur décrit ici, pas à pas : l’hôpital, les médecins, son propre corps, cet ennemi qui lui semble maintenant étranger, et sa rage de vouloir survivre malgré tout. 
Dans Crâne, au travers de Nacht son héros, Patrick Declerck s’observe, pèse le monde, et médite cette agression chirurgicale au siège même de sa pensée. Et s’il a survécu à cette intrusion qui a permis de prolonger sa vie, le coût philosophique autant que psychique en est maintenant de ne plus pouvoir échapper, un seul instant, à l’évidence de n’être jamais plus à lui-même que sa propre illusion. 
Un survivant, n’en déplaise, n’est plus tout à fait un vivant.

mardi 22 novembre 2016

DE SUZA, Linda - Des larmes d'argent

Linda de Suza, chanteuse d'origine portugaise, raconte les abus de confiance dont elle a été victime par son entourage. Elle témoigne de la jalousie que suscite la gloire et des souffrances qu'elle a endurées.

dimanche 20 novembre 2016

LE CLEZIO, J.M.G. - Tempête, 2 noveras

«En anglais, on appelle "novella" une longue nouvelle qui unit les lieux, l'action et le ton. Le modèle parfait serait Joseph Conrad. De ces deux novellas, l'une se déroule sur l'île d'Udo, dans la mer du Japon, que les Coréens nomment la mer de l'Est, la seconde à Paris, et dans quelques autres endroits. Elles sont contemporaines.» J. M. G. Le Clézio.
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Deux histoires brutales, intenses, l'une sur l'île d'Udo, au Japon, l'autre en banlieue de Paris, telles deux couleurs complémentaires d'une même langue.

Sans doute parce que les éditeurs rechignent à publier ce format hybride, peu d'écrivains contemporains s'attellent au genre de la novella, entre le roman et la nouvelle. Est-ce son admiration pour Hemingway, grand amateur de novellas, qui a poussé J.M.G. Le Clézio à composer ce diptyque d'ombre et de lumière, ce livre planète coupé en deux, enfoui dans les ténèbres d'un côté, dévoré par les feux de l'autre ? Les deux novellas de Tempête sont bien les deux faces d'une même médaille miraculeuse, enroulée autour du cou d'enfants visionnaires, illégitimes, éperdues d'amour. Des filles, comme souvent dans l'oeuvre de Le Clézio, graciles adolescentes avançant vers leur vie de femmes chargées de lourds traumas d'enfance.

Japonaise dans son décor comme dans l'imaginaire qu'elle charrie, la première novella, qui donne son titre au recueil, rappelle les images du tsunami du 11 mars 2011. La mer, vorace et impétueuse, noire et poisseuse, fait régner une sourde terreur. Liquide ­amniotique surdimensionné, l'élément entretient avec les femmes une relation dangereuse, faussement complice, faussement consolatrice. Des plongeuses de fortune s'y aventurent pour lui arracher les coquillages qu'elles vendront aux touristes, des mères hagardes y repêchent le cadavre de leur enfant rongé par les crabes, et parfois des femmes suicidaires lui confient leur corps à jamais.

C'est ce qui est arrivé à la compagne de Philip Kyo, écrivain de retour sur le rivage, des années après cette funeste disparition. Une fillette le rejoint tous les jours, pour lui tendre un miroir innocent, et le délivrer de ses tourments. Mouvante et filandreuse comme des algues dans les fonds marins, sa mémoire n'a qu'un point d'ancrage : le viol auquel il a assisté sans parler, pendant la guerre. J.M.G. Le Clézio n'a mis que des teintes sombres sur sa palette d'écrivain – sombres, mais étincelantes. Comme des gouttes qui forment un océan, les mots nuit, vent, tempête se répètent sans cesse, et drainent avec eux d'autres mots venus d'ailleurs, corps étrangers jetés à la mer, qui s'y agrègent et s'y décomposent pour lui donner sa force et sa couleur.

L'autre novella, Une femme sans identité, s'éloigne du mythe et de la cosmogonie pour s'ancrer dans la réalité bétonnée de la banlieue parisienne, où deux demi-soeurs venues d'Afrique découvrent la brutalité de l'exil. Cette fois, les corps ne sont pas engloutis, ils se cognent et se blessent sur le pavé. La langue de Le Clézio se fait alors plus dure, plus cassante. Mais l'écrivain voyageur a toujours quelques embruns de côté, une réserve d'ailleurs qu'il offre en secours aux personnages affligés. Quelques gravillons sous la semelle d'une jeune fille dans un camp d'étrangers qu'on s'apprête à expulser, et un bruit de sable au bord de la mer fait tout oublier.

Et chez Le Clézio, l'oubli n'est jamais un espace vide.

samedi 19 novembre 2016

CHALANDON, Sorj - Le quatrième mur

L'idée de Samuel était belle et folle : monter l'Antigone de Jean Anouilh à Beyrouth. Voler deux heures à la guerre, en prélevant dans chaque camp un fils ou une fille pour en faire des acteurs. Puis rassembler ces ennemis sur une scène de fortune, entre cour détruite et jardin saccagé. Samuel était grec. Juif, aussi. Mon frère en quelque sorte. Un jour, il m'a demandé de participer à cette trêve poétique. Il me l'a fait promettre, à moi, le petit théâtreux de patronage. Et je lui ai dit oui. Je suis allé à Beyrouth le 10 février 1982, main tendue à la paix. Avant que la guerre ne m'offre brutalement la sienne. S. C.

mercredi 16 novembre 2016

ANOUILH, Jean - Antigone (lue sur le web)

L'Antigone de Sophocle, lue et relue et que je connaissais par coeur depuis toujours, a été un choc soudain pour moi pendant la guerre, le jour des petites affiches rouges. Je l'ai réécrite à ma façon, avec la résonance de la tragédie que nous étions alors en train de vivre. Jean Anouilh.

Extrait du livre :
Un décor neutre. Trois portes semblables. Au lever du rideau, tous les personnages sont en scène. Ils bavardent, tricotent, jouent aux cartes.
Le Prologue se détache et s'avance.
LE PROLOGUE
Voilà. Ces personnages vont vous jouer l'histoire d'Antigone. Antigone, c'est la petite maigre qui est assise là-bas, et qui ne dit rien. Elle regarde droit devant elle. Elle pense. Elle pense qu'elle va être Antigone tout à l'heure, qu'elle va surgir soudain de la maigre jeune fille noiraude et renfermée que personne ne prenait au sérieux dans la famille et se dresser seule en face du monde, seule en face de Créon, son oncle, qui est le roi. Elle pense qu'elle va mourir, qu'elle est jeune et qu'elle aussi, elle aurait bien aimé vivre. Mais il n'y a rien à faire. Elle s'appelle Antigone et il va falloir qu'elle joue son rôle jusqu'au bout... Et, depuis que ce rideau s'est levé, elle sent qu'elle s'éloigne à une vitesse vertigineuse de sa soeur Ismène, qui bavarde et rit avec un jeune homme, de nous tous, qui sommes là bien tranquilles à la regarder, de nous qui n'avons pas à mourir ce soir.Le jeune homme avec qui parle la blonde, la belle, l'heureuse Ismène, c'est Hémon, le fils de Créon. Il est le fiancé d'Antigone. Tout le portait vers Ismène : son goût de la danse et des jeux, son goût du bonheur et de la réussite, sa sensualité aussi, car Ismène est bien plus belle qu'Antigone, et puis un soir, un soir de bal où il n'avait dansé qu'avec Ismène, un soir où Ismène avait été éblouissante dans sa nouvelle robe, il a été trouver Antigone qui rêvait dans un coin, comme en ce moment, ses bras entourant ses genoux, et il lui a demandé d'être sa femme. Personne n'a jamais compris pourquoi. Antigone a levé sans étonnement ses yeux graves sur lui et elle lui a dit «oui» avec un petit sourire triste... L'orchestre attaquait une nouvelle danse, Ismène riait aux éclats, là-bas, au milieu des autres garçons, et voilà, maintenant, lui, il allait être le mari d'Antigone. Il ne savait pas qu'il ne devait jamais exister de mari d'Antigone sur cette terre et que ce titre princier lui donnait seulement le droit de mourir.Cet homme robuste, aux cheveux blancs, qui médite là, près de son page, c'est Créon. C'est le roi. Il a des rides, il est fatigué. Il joue au jeu difficile de conduire les hommes. Avant, du temps d'Œdipe, quand il n'était que le premier personnage de la cour, il aimait la musique, les belles reliures, les longues flâneries chez les petits antiquaires de Thèbes. Mais Œdipe et ses fils sont morts. Il a laissé ses livres, ses objets, il a retroussé ses manches et il a pris leur place.

dimanche 13 novembre 2016

BLEYS, Olivier - Discours d'un arbre sur la fragilité des hommes

Dans la banlieue de Shenyang, ancienne ville industrielle, la famille Zhang vit pauvrement au milieu d'usines désaffectées et d'entrepôts à l'abandon. Pourtant, Wei et les siens détiennent un trésor : le dernier arbre à laque. Leur rêve : devenir propriétaires de leur petite maison, afin d'honorer un serment fait aux parents de Wei, enterrés sous le fameux arbre. Ce rêve est sur le point de se réaliser lorsqu'un grand projet minier menace soudain la famille d'expulsion. Une lutte inégale va alors s'engager opposant l'humble famille aux représentants du puissant capitalisme chinois.

Prenant comme toile de fond les transformations violentes de la Chine contemporaine, Discours d'un arbre sur la fragilité des hommes revisite la fable du pot de terre contre le pot de fer. Belle et profonde méditation sur les liens qui unissent l'homme et la nature, ce roman, écrit dans une langue magnifique, est un conte réel qui ne laissera aucun lecteur indifférent.

vendredi 11 novembre 2016

MANZINI, Antonio - Piste noire

Séducteur, corrompu, sarcastique, Schiavone est aussi antipathique qu’attachant. Le genre de héros qu’on adore détester…

Le commissaire Rocco Schiavone est romain jusqu’au bout des ongles : snob, macho et ronchon, il est doté d’un humour noir dévastateur. Muté à Champoluc dans le val d’Aoste, il vit son départ en province comme un exil. À son corps défendant, il doit quitter sa paire de Clarks adorée pour porter de répugnants après-ski et considère ses nouveaux collègues comme des ploucs.
Peu après son arrivée, on trouve le cadavre d’un homme sur une piste de ski, écrasé sous une dameuse. Accident ou meurtre? Quand le médecin légiste découvre un foulard dans la gorge de la victime, le doute n’est plus permis. Schiavone se plonge alors dans une enquête rocambolesque, freiné par son ignorance, voire son mépris, de la région et de ses usages. Mais certains habitants de cette vallée hostile et glaciale trouvent grâce à ses yeux. Notamment une habitante : la somptueuse Luisa Pec…

lundi 7 novembre 2016

MAUVIGNIER, Laurent - Ce que j'appelle oubli

Il s'est dirigé vers les boissons. Il a ouvert une canette de bière et l'a bue. À quoi a-t-il pensé en étanchant sa soif, à qui, je ne le sais pas. Ce dont je suis certain par contre, c'est qu'entre le moment où il est entré dans le supermarché et celui où les vigiles l'ont arrêté, ni lui ni personne n'aurait pu imaginer qu'il n'en sortirait pas.

jeudi 3 novembre 2016

INDRIDASON, Arnaldur - Le lagon noir

Reykjavik, 1979. Le corps d‘un homme est repêché dans ce qui va devenir le lagon bleu. Il s’agit d’un ingénieur employé à la base américaine de l’aéroport de Keflavik. Dans l’atmosphère de la guerre froide, l’attention de la police s’oriente vers de mystérieux vols effectués entre le Groenland et l’Islande. Les autorités américaines ne sont pas prêtes à coopérer et font même tout ce qui est en leur pouvoir pour empêcher la police islandaise de faire son travail. Dans un climat de tension, conscients des risques qu’ils prennent, Erlendur et Marion Briem poursuivent leur enquête avec l’aide d’une jeune femme noire, officier de la base.

Le jeune inspecteur Erlendur vient d’entrer à la brigade d’enquêtes criminelles, il est curieux, passionné par son métier, soucieux des autres, mais il ne cache pas son opposition à la présence américaine sur le sol islandais.

En parallèle, il travaille sur une vieille affaire non résolue. Une jeune fille disparue sur le chemin de l’école quarante ans plus tôt, à l’époque où la modernité arrivait clandestinement dans l’île, portée par les disques de rock et les jeans venus de la base américaine.

Indridason construit un univers particulier, une atmosphère pénétrante et sans nostalgie, un personnage littéraire de plus en plus complexe, et le roman noir, efficace, est transformé par la littérature.

HALL, Louisa - Trinity

15 juillet 1945, Los Alamos, Nouveau-Mexique. Robert Oppenheimer, brillant scientifique et créateur de la bombe atomique, compte les heures,...