jeudi 21 novembre 2024

SALVAYRE, Lydie - 7 femmes

Sept femmes. Sept figures emblématiques de la littérature qui ont follement investi leur vie. Leur relation à l'écriture est passionnelle, et, pour certaines d'entre elles, les a conduit au suicide. Singulières et exigeantes, elles transcendent leur douleur personnelle dans l’œuvre. Leur rapport au quotidien, qu'elles considèrent médiocre et sans intérêt, est vécu comme tragique. Mais ce "quotidien" n'est-il pas aujourd'hui celui qui a marqué l'Histoire ? Celui du Paris d'avant-guerre, des Années folles, de la Russie stalinienne… Comment retranscrire une œuvre au travers de la vie même de son auteur ?Lydie Salvayre s'adonne à cet exercice de portraitiste, comme l'ont déjà magnifiquement réussi Cioran et Sainte-Beuve, en choisissant celles dont la lecture a marqué sa vie et par là-même fécondé son œuvre : Emily Brönte (1818-1848), Colette (1873-1954), Virginia Woolf (1882-1941), Djuna Barnes (1892-1982), Marina Tsvetaeva (1892-1941), Ingeborg Bachmann (1926-1973) et Sylvia Plath (1932-1963).
Dérangeantes, scandaleuses, elles ont témoigné à leur façon du monde dont elles ont autant souffert qu'elles ont contribué à la façonner… Leurs œuvres sont désormais des monuments littéraires. Lydie Salvayre les fait revivre en écrivant leur histoire, leur beauté, leur démesure, leur rébellion mais aussi leur côté sombre et leur désespérance.

dimanche 17 novembre 2024

CLAUDEL, Philippe & CLERC Lucille (illustr.) - Rature

« Le fils avait changé. Il tournait en rond. À la maison. Sur le bateau. Dans sa tête. À ne plus guère sourire. À ne plus guère causer non plus. À rêver d’autre chose sans trop savoir quoi. À faire sa crise entre terre et mer. À force de vivre dans cette frange incertaine de pays, à se cogner entre deux infinis, on se chamboule l’esprit. On ne sait plus si on doit se jeter d’un côté ou de l’autre. On attend des mots mais ils ne viennent pas. Et lui, maladroit, qui ne savait pas comment parler au fils qui dérivait. Le questionner. L’aider. Le soutenir. Lui dire qu’il avait cette chance d’être un jour son propre maître. À jamais et pour toujours. Que le métier était dur peut-être, que les nuits étaient leurs jours, qu’ils vivaient à l’envers de tout, mais que chaque jour était nouveau. Que chaque aube n’avait rien de semblable avec la précédente. Que chaque marée n’était pas la sœur d’une autre. Que leur vie se composait de chapitres toujours neufs, écrits avec leur liberté et avec la beauté du monde. Qu’il lui dise bordel où trouver pareil feu ? »Le Rature est toujours le premier bateau à quitter le port et le dernier à y rentrer et le père sait qu’il est là à l’exacte place de la Terre où il doit être. Peu de paroles, des gestes surtout, toujours les mêmes, et une manière d’appréhender le monde, de lire le ciel, les nuages, les étoiles, ce langage est le sien. Le jour où il a emmené son fils pour une journée de pêche il s’en souvient comme d’un rêve. Son fils. Qui serait pêcheur comme lui l’était devenu. Après son père.
Et pourtant, le fils est parti. Faut-il espérer son retour ?
L’illustratrice Lucille Clerc a retranscrit toutes les nuances déployées par le texte pour lui faire écho et l’accompagner, jouant du dessin, des matières et techniques, gravure, encre, photos... Comment traduire, le froid, le manque, la tristesse mais aussi l’amour, la force des liens, la transmission, la joie de la complicité. Ses illustrations incarnent magnifiquement toute la sensibilité du récit.

samedi 16 novembre 2024

TOKARCZUK, Olga - Sur les ossements des morts

Janina Doucheyko vit seule dans un petit hameau au cœur des Sudètes. Ingénieur à la retraite, elle se passionne pour la nature, l'astrologie et l'œuvre de William Blake. Un matin, elle retrouve un de ses voisins mort dans sa cuisine, étouffé par un petit os. C'est le début d'une longue série de crimes mystérieux sur les lieux desquels on retrouve des traces animales. La police enquête. Les victimes avaient toutes pour la chasse une passion dévorante. Quand Janina Doucheyko s'efforce d'exposer sa théorie sur la question, tout le monde la prend pour une folle... Car comment imaginer qu'il puisse s'agir d'une vengeance des animaux ?

lundi 11 novembre 2024

SEETHALER, Robert - Le dernier mouvement

Sur le pont du paquebot qui le ramène en Europe après une ultime saison à New York, Gustav Mahler (1860-1911) laisse dériver ses pensées.À cinquante ans, il est l'un des compositeurs et chefs d'orchestre les plus réputés de son époque, mais son corps perclus de douleur lui rappelle que sa fin est proche. Emmitouflé dans une épaisse couverture, l'oeil rivé sur la mer grise, son esprit vagabonde et le ramène aux années écoulées. Comme dans un ample fondu enchaîné, les événements, les drames et les souvenirs se succèdent.
Ces scènes de sa vie passée, surgies à la faveur d'une sensation fugace - le cri d'une mouette, l'ombre d'un nuage - constituent un portrait tout en intériorité d'un artiste dont le génie créateur ne s'est jamais tari.
Robert Seethaler excelle à suggérer en quelques traits le simple bonheur des étés à la montagne, tout comme la décennie pendant laquelle Mahler a réformé et dirigé l'Opéra de Vienne. L'amour tourmenté du musicien pour sa femme Alma, son chagrin à la mort de sa fille aînée, et bien sûr la haute conception de son art traversent ce texte aussi bref que profond.
Sans la moindre emphase, l'écrivain parvient à nous rendre palpable la légendaire exigence du maître, bourreau de travail malgré sa faiblesse physique constitutive, de même que sa quête permanente de la beauté.
C'est sans doute de son apparente simplicité que cet intense roman tire sa force. Les rares mots échangés face à l'océan entre l'illustre passager et le jeune garçon chargé de veiller à son bien-être - et qui n'est pas sans rappeler le personnage principal du Tabac Tresniek - sont à cet égard exemplaires :
« Monsieur le directeur, dit le garçon.
- Oui, dit Mahler. Il avait les yeux mi-clos et écoutait le battement des moteurs.
- C'est quel genre de musique, celle que vous faites ? Vous pourriez m'en parler ?
- Non, on ne peut pas raconter la musique, il n'y a pas de mots pour ça. Dès qu'on peut décrire la musique, c'est qu'elle est mauvaise. » Avec son immense talent, Robert Seethaler évoque en peu de mots la puissance d'une pensée : la vision du corps souffrant est ici sans cesse transcendée par la vigueur de l'esprit qui l'habite, conférant à ce texte magnifique une ardente lumière.

samedi 9 novembre 2024

ANFRAY, Clélia - Métropolis

Joseph Aichelbaum est colleur d’affiches dans le métro parisien. Au pied de son escabeau défilent des passagers pressés qui ne le voient pas. Il remarque cependant la présence quotidienne d’une jeune femme qui l’observe travailler… Il veut l’aborder, mais un pickpocket lui arrache son sac. Elle disparaît dans la foule. Joseph récupère le sac, mais n’a aucun moyen de la contacter. Elle devient peu à peu son obsession. Serait-il tombé amoureux ? Lorsqu’il la retrouve enfin, il la suit en cachette et découvre qu’elle travaille pour Metropolis, la régie qui achète pour ses clients les espaces publicitaires dans le métro. Hasard ou signe du destin ? Pour Joseph, c’est le début d’une aventure aux multiples rebondissements…
Clélia Anfray nous entraîne avec brio dans une belle histoire d’amour et une critique iconoclaste de la société de consommation, où se percutent des mondes contraires. Elle est l’auteur de plusieurs romans, notamment Le coursier de Valenciennes, Monsieur Loriot et Le Censeur.

jeudi 7 novembre 2024

TOKARCZUK, Olga - Histoires bizarroïdes

Lauréate du prix Nobel de littérature en 2018, Olga Tokarczuk nous offre un recueil de nouvelles qui vient confirmer l'étendue de son talent : qu'elle se penche sur les époques passées ou qu'elle s'amuse à imaginer celles du futur, elle a toujours le souci d'éclairer le temps présent et ne se défile devant aucune des questions qui se posent aujourd'hui à nous. L'esprit d'enfance, le désir d'immortalité, le délire religieux mais aussi le transhumanisme, le rapport à la nature, la fragilité de la civilisation : sans surenchère dans la dystopie, sans jamais de complaisance dans la noirceur, Olga Tokarczuk nous fait mesurer les espaces infinis de ce qui échappe à notre connaissance. Mais pour cette écrivaine qui excelle à découvrir des connexions et des correspondances, le salut réside assurément dans les puissances de l'imaginaire et dans l'acceptation par chacun de sa propre étrangeté.
Prix Nobel de littérature, Olga Tokarczuk a reçu le Man Booker International Prize 2018 pour Les Pérégrins. Traduit en français en 2010 chez Noir sur Blanc, ce roman avait été couronné par le prix Niké (équivalent polonais du Goncourt), un prix que, chose rarissime, l’auteure a une nouvelle fois reçu pour son monumental roman : Les Livres de Jakób.

mardi 5 novembre 2024

COHEN-SCALI, Sarah - Arthur Rimbaud, le voleur de feu

Arthur voiture déteste Charleville, cette ville de province grise et triste où il est né un jour de 1854, et où il vit avec sa mère et ses deux sœurs. Alors, pour tromper la monotonie des jours, Arthur dévore livre après livre.Et puis, il rêve d'un oiseau multicolore, bleu, vert, rouge, qu'il appelle Baou et qui lui inspire des poèmes. Car Arthur se fiche d'être un élève modèle. Il veut être poète, même si c'est être voyou...
Biographie ou roman ? Ce livre est ce qu'on appelle plutôt une biographie romancée. Il nous raconte l'histoire particulière de la vie d'un poète génial du 19e siècle, vue par un auteur du 20e siècle.

MORAVIA, Alberto - Le conformiste

Le jeune Marcello grandit, livré à lui même, dans une famille désunie. Le bouillonnement de l'adolescence l'effraie, il se sent trav...