lundi 11 novembre 2024

SEETHALER, Robert - Le dernier mouvement

Sur le pont du paquebot qui le ramène en Europe après une ultime saison à New York, Gustav Mahler (1860-1911) laisse dériver ses pensées.À cinquante ans, il est l'un des compositeurs et chefs d'orchestre les plus réputés de son époque, mais son corps perclus de douleur lui rappelle que sa fin est proche. Emmitouflé dans une épaisse couverture, l'oeil rivé sur la mer grise, son esprit vagabonde et le ramène aux années écoulées. Comme dans un ample fondu enchaîné, les événements, les drames et les souvenirs se succèdent.
Ces scènes de sa vie passée, surgies à la faveur d'une sensation fugace - le cri d'une mouette, l'ombre d'un nuage - constituent un portrait tout en intériorité d'un artiste dont le génie créateur ne s'est jamais tari.
Robert Seethaler excelle à suggérer en quelques traits le simple bonheur des étés à la montagne, tout comme la décennie pendant laquelle Mahler a réformé et dirigé l'Opéra de Vienne. L'amour tourmenté du musicien pour sa femme Alma, son chagrin à la mort de sa fille aînée, et bien sûr la haute conception de son art traversent ce texte aussi bref que profond.
Sans la moindre emphase, l'écrivain parvient à nous rendre palpable la légendaire exigence du maître, bourreau de travail malgré sa faiblesse physique constitutive, de même que sa quête permanente de la beauté.
C'est sans doute de son apparente simplicité que cet intense roman tire sa force. Les rares mots échangés face à l'océan entre l'illustre passager et le jeune garçon chargé de veiller à son bien-être - et qui n'est pas sans rappeler le personnage principal du Tabac Tresniek - sont à cet égard exemplaires :
« Monsieur le directeur, dit le garçon.
- Oui, dit Mahler. Il avait les yeux mi-clos et écoutait le battement des moteurs.
- C'est quel genre de musique, celle que vous faites ? Vous pourriez m'en parler ?
- Non, on ne peut pas raconter la musique, il n'y a pas de mots pour ça. Dès qu'on peut décrire la musique, c'est qu'elle est mauvaise. » Avec son immense talent, Robert Seethaler évoque en peu de mots la puissance d'une pensée : la vision du corps souffrant est ici sans cesse transcendée par la vigueur de l'esprit qui l'habite, conférant à ce texte magnifique une ardente lumière.

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