dimanche 25 novembre 2012

KEEGAN, Claire - L'antarctique

Elle a vécu son enfance dans une ferme en Irlande avant de partir pour les Etats-Unis. Dans ses nouvelles, Claire Keegan décrit surtout un quotidien rural où l'on entend les vaches se gratter contre une barrière, où la mère se lève tôt, la première, pour allumer le feu et s'occuper des poules et des moutons. Les hivers sont très froids, les distractions rares. Les épouses rêvent de conduire la voiture mais ce sont les maris qui commandent et les filles qui descendent pour ouvrir les barrières en pleine nuit. Parfois, les femmes s'en vont : elles enfilent une robe rouge pour aller en ville et passer la nuit avec un homme. D'autres vivent dans l'ombre d'un amant marié qui les retrouve de temps à autre, en se cachant. Certaines restent célibataires, s'habituent à vivre seules, fredonnent même des chansons en préparant les confitures et les conserves pour l'hiver. Les couples se parlent peu mais leurs gestes trahissent leur fatigue physique et leur désir de vivre autrement, loin d'un passé familial lourd et statique. Ce sont les détails qui symbolisent la vacuité d'une vie. Trop de lessives, trop d'enfants, trop de tristesse et de rêves avortés : les lèvres des hommes sont froides quand ils embrassent leur épouse le soir au retour du travail.
L'amour, ou plutôt le désir d'amour, est présent à chaque page, mais Claire Keegan cache les sentiments derrière des gestes anodins. Ses nouvelles embrassent toute une existence. Dans ce premier recueil d'une dextérité et d'une sensibilité étonnantes, elle semble prendre son temps pour installer une atmosphère mais n'oublie jamais qu'elle écrit dans un genre littéraire qui exige le sens du rythme. Ses histoires courtes choisissent un instant donné, ramassé, symbolique et terriblement émouvant : celui d'une vie qui bascule, d'une prise de conscience ou d'un regard de trop. L'Antarctique marque la naissance d'un grand auteur et les Anglo-Saxons ne s'y sont pas trompés. La nouvelliste a figuré sur les listes des meilleures ventes aux Etats-Unis après avoir été encouragée par Nuala O'Faolain, Irlandaise elle aussi, et récemment disparue.

jeudi 22 novembre 2012

YOSHIYUKI, Junnosuke - L'averse

Dans L'Averse (court texte de 25 pages), Yamamura Hideo, un jeune homme (il travaille depuis trois ans seulement dans une entreprise) tente de ne pas tomber amoureux. Pour cela, fréquenter les prostituées est assez pratique, les relations, les phrases échangées relevant plus de la représentation que du sentiment. Pourtant, il va rapidement être amené à ressentir quelque chose pour une prostituée "différente" des autres.

lundi 19 novembre 2012

WALLET, Roger - Portraits d'automne

Comment s’arranger avec la vie quand on est déraciné et que la mauvaise saison s’installe. Roger Wallet signe une chronique belle et délicate.
Ce livre, aussi mince qu’une lueur, est une aubaine en ces temps d’agitation. Un charme discret, une force vive mêlée de tendresse et de désenchantement parcourent avec retenue cette centaine de pages. Ici, pourtant, rien de très ambitieux, sinon le
simple désir de raconter une histoire, qui pourrait être la nôtre, en suivant les délicats méandres, en s’abreuvant à la source chaude du souvenir. Portraits d’automne est le livre d’un destin, minuscule, ordinaire, de celui qui, arraché à ses racines, bascule dans un monde de transit. Originaire de Carcassonne, Marc Jimenez est un jeune instituteur que le mauvais sort conduit pour sa première affectation dans un petit bourg près de Beauvais.
Nous sommes au début des années soixante, l’air du temps est légèrement vicié ; comme beaucoup d’autres de sa génération,
Jimenez se retrouve jeté là « sans vraiment l’avoir souhaité, un peu par obligation, un peu parce que Quoi faire d’autre ? 
La banque ? ». Quitter ses dix-huit ans, ses coteaux, ses oliviers, un père ex-combattant de la République espagnole, pour rejoindre là-haut l’odeur entêtante des betteraves, le choc est rude, à deux doigt de la désertion ou du suicide. Il faut pourtant s’y faire. Est-ce le paysage détrempé de la Picardie, « pays de pissats », qui déforme tant les visages et « ravine le coeur » ? Est-ce plutôt l’exil qui rend cette terre si absente ? Il faut pourtant s’accommoder de ces horizons moites et angoissants aux allures de steppes, cesécoliers silencieux et laborieux, ces hommes dont « j’entendais battre leur vie sans échappée, sans voyage », ce « parler […] très nasal, jeté sur la table comme une fatigue ». Jimenez s’enfonce dans la grisaille et le gel des jours sans fin. Seul, menacé par une existence « d’habitudes et de méthodes », le jeune instituteur s’abrite comme il peut pour se réchauffer le coeur : les demoiselles de son âge que l’on rencontre devant Jules et Jim, la photographie qui maintient l’oeil en éveil et laisse les traces de sa chère Occitanie, des moments perdus au bar des Deux-Rives, mais surtout la belle Hélène Bogaert, une troublante parent d’élève à l’histoire que l’on devine compliquée. Que fait-elle là ? Une autre solitude ? La lecture de Supervielle ou de quelques poèmes de René Guy Cadou aidant, il en tombera éperdument amoureux.
Dans Portraits d’automne, tout est en demi-teinte. La mauvaise saison s’étire, laissant ses pensionnaires fourbus devant le manque de perspectives. Roger Wallet jauge le monde à ras d’homme : attentif aux choses, respectueux des êtres, il nous offre une chronique pleine de délicatesse qui donne à la nostalgie une éternelle jouvence. Sous ce ciel bas, cette atmosphère lourde et poisseuse, sous cette « monotonie fuligineuse » qui suintent, palpite le coeur de la vie. Les bruissements de l’âme, les frissonnements du corps sont rendus avec une extrême retenue, comme s’il s’agissait de respecter un fragile et mystérieux équilibre.
Avec pudeur, avec patience, sans pathos, le regard clair et acéré, Roger Wallet parvient finalement à percer l’humide gangue d’un terroir hostile, avec pour seul recours, le bonheur des mots simples. Un travail de recomposition, proche de celui des peintres, vif comme un fugitif ravissement.

mercredi 7 novembre 2012

NOSAKA, Akiyuki - La tombe des lucioles

1945, Japon, un jeune adolescent Seita sur le point de mourir se souvient des derniers mois. Le décès de sa mère, l’enfer des bombardements, son errance avec sa jeune sœur Setsuko et la mort de cette dernière.
Le thème de cette nouvelle est touchant et dur. Deux enfants qui meurent de faim et sans que personne ne les aide. La guerre fait rage et ils se retrouvent seuls à essayer de survivre. Il y a tout l’amour de Seita pour Etsuko, il s’en occupe à la manière d’une mère envers son enfant.

La tombe des lucioles est suivie d’une autre nouvelle Les algues d’Amérique : un couple Toshio et sa femme Kyôko reçoivent quelques jours un couple d’Américains les Higgins. Toshio se montre réticent au début et se remémore la présence des américaine en 1945. L’admiration de Kyôko envers les Higgins tourne au désenchantement. Un texte qui m’a laissée indifférente surtout que Monsieur Higgins s’avère être un amateur de photos de femmes nues. Et pour satisfaire son invité, Toshio l’amène dans les bars à « hôtesse ». C’est crû …

HALL, Louisa - Trinity

15 juillet 1945, Los Alamos, Nouveau-Mexique. Robert Oppenheimer, brillant scientifique et créateur de la bombe atomique, compte les heures,...