jeudi 27 octobre 2022

JOURDE, Pierre - La littérature sans estomac

Par calcul ou par bêtise, des textes indigents sont promus au rang de chefs d’œuvre. Leur fabrication suit des recettes assez simples. Pierre Jourde en donne quelques-unes. Il montre comment on fait passer le maniérisme pour du style et la pauvreté pour de la sobriété. Cette "littérature sans estomac mélange platitudes, niaiseries sentimentales et préoccupations vétilleuses chez Christian Bobin, Emmanuelle Bernheim ou Camille Laurens. Il existe aussi des variétés moins édulcorées d’insignifiance, une littérature à l’épate, chez Darrieusecq, Frédéric Beigbeder ou Christine Angot. La véhémence factice y fait proliférer le cliché. Ce livre renoue avec le genre du pamphlet et s’enthousiasme pour quelques auteurs qui ne sont pas des fabricants de livres, mais des écrivains. En prélude à ces vigoureuses relectures, un sort particulier est fait au symbole par excellence de cette confusion des valeurs, Philippe Sollers, ainsi qu’à son "organe officiel", le supplément littéraire d’un prestigieux journal du soir.

OGAI, Mori - La danseuse

"Ce jour-là, j'aperçus, appuyée contre le portail clos de l'église, une jeune fille en train de sangloter d'une voix étouffée. Elle devait avoir seize ou dix-sept ans. Vêtue très proprement, sans trace aucune de saleté, elle portait un fichu qui laissait s'échapper une chevelure d'or pâle. Surprise par le bruit de mes pas, elle se retourna : mais comment décrire ce visage sans un pinceau de poète ? Il lui suffit - je ne sais pourquoi - d'un seul regard de ses yeux bleus, limpides, emplis d'une tristesse implorante, de ses yeux à moitié dissimulés sous de longs cils embrumés de larmes, pour pénétrer au plus profond de mon cœur, un cœur pourtant sur ses gardes."

mardi 25 octobre 2022

HOUELLEBECQ, Michel - Interventions 2020

« 55 % de ce volume figurait déjà dans la deuxième édition d'Interventions, parue en 2009. Cette troisième édition comporte donc 45 % de nouveaux textes. Bien que je ne souhaite pas être un "artiste engagé", je me suis efforcé dans ces textes de persuader mes lecteurs de la validité de mes points de vue, sur le plan politique rarement, sur différents "sujets de société" le plus souvent, sur le plan littéraire de temps à autre. Il n'y aura pas de quatrième édition. Je ne promets pas absolument de cesser de penser, mais au moins de cesser de communiquer mes pensées et mes opinions au public, hors cas d'urgence morale grave - par exemple une légalisation de l'euthanasie (je ne pense pas qu'il s'en présente d'autres, dans le temps qui me reste à vivre). J'ai essayé de classer ces "interventions" par ordre chronologique, dans la mesure où je me souvenais des dates. L'existence au moins apparente du temps a toujours été pour moi un grand motif d'agacement ; mais l'habitude a été prise de voir les choses en ces termes. Pour cette fois, donc, j'y consens. » M.H.

jeudi 20 octobre 2022

SUREAU, François - L' or du temps - Livre 1/3

« La Seine est le fleuve sur le bord duquel j'aurai passé l'essentiel de ma vie. Je me suis aperçu très tard que cette mince coulée grise et verte formait le centre d'un territoire, réel et imaginaire, dont je n'avais cessé de vouloir déchiffrer le secret. »

Comment raconter un fleuve ? Comment dire ses boucles, ses méandres, les villes qui le bordent, les ponts, les ports, les entrepôts ? Comment dire les générations qui l'ont façonné, ont bâti ses rives, ont cultivé ses terres ?

Dans L'Or du temps, François Sureau part de la source et descend, chapitre après chapitre, vers l'embouchure. Il s'arrête avec pour seule nécessité le rêve et le souvenir. Ses haltes se transforment ainsi en autant de récits. De la géographie surgit l'Histoire, la grande, mais aussi la plus intime.
Vies héroïques, riches heures d'écrivains et de peintres égarés, moments mystiques, secrets conciliabules, digressions impromptues sur le droit, la politique, l'anarchie, la diplomatie. De la source à Troyes de Samois à Évry, Bercy, Paris... François Sureau avance de proche en proche, et forme peu à peu un livre unique, étonnant, libre, où s'entrecroisent tous les grands thèmes qui le fondent. 

lundi 17 octobre 2022

COULON, Cécile - Seule en sa demeure

"Le domaine Marchère lui apparaîtrait comme un paysage après la brume. Jamais elle n'aurait vu un lieu pareil, jamais elle n'aurait pensé y vivre. "

C'est un mariage arrangé comme il en existait tant au XIXe siècle. À dix-huit ans, Aimée se plie au charme froid d'un riche propriétaire du Jura. Mais très vite, elle se heurte à ses silences et découvre avec effroi que sa première épouse est morte peu de temps après les noces. Tout devient menaçant, les murs hantés, les cris d'oiseaux la nuit, l'emprise d'Henria la servante. Jusqu'au jour où apparaît Émeline. Le domaine se transforme alors en un théâtre de non-dits, de désirs et de secrets enchâssés, " car ici les âmes enterrent leurs fautes sous les feuilles et les branches, dans la terre et les ronces, et cela pour des siècles ".

jeudi 13 octobre 2022

MANKELL, Henning - Le dynamiteur

1911. Oskar Johansson a 23 ans. Dynamiteur, il participe au percement d’un tunnel ferroviaire et manipule des explosifs pour fragmenter la roche. Mutilé à la suite d'un grave accident du travail, il reprendra pourtant son ancien métier, se mariera, aura trois enfants, adhérera aux idéaux socialistes puis communistes. Au soir de sa vie, il partagera son temps entre la ville et un cabanon de fortune sur une île aux confins de l’archipel suédois.
 
Un mystérieux narrateur recueille la parole de cet homme de peu de mots, qui aura vécu en lisière de la grande histoire, à laquelle il aura pourtant contribué, à sa manière humble et digne.
Ce premier roman de Henning Mankell, écrit à 25 ans, et inédit en France à ce jour, se veut un hommage vibrant à la classe ouvrière, à ces millions d’anonymes qui ont bâti le modèle suédois. Par son dépouillement, sa beauté austère, son émotion pudique, Le Dynamiteur contient en germe toute l’œuvre à venir de Mankell, sa tonalité solitaire, discrète, marquée à la fois par une mélancolie profonde et une confiance inébranlable dans l’individu.

mardi 11 octobre 2022

VIDAL-NAQUET, Pierre - Le monde d'Homère

Tout le monde a entendu prononcer le nom d'Homère, tout le monde connaît les principaux personnages de l'Iliade et de l'Odyssée, ces deux livres qui sont la première pierre de notre culture européenne et à l'origine de notre littérature- la tragédie via l'Iliade, la comédie via l'Odyssée.

Pierre Vidal-Naquet explique le mystère du (ou des) Homère(s) ; il établit la cartographie des lieux de bataille, d'étape ou de voyage ; il montre comment Homère décrit les prémices de la société démocratique, les rapports entre citoyens libres et esclaves, entre " Grecs civilisés " et " barbares ", entre hommes et dieux ; il décèle ce que les textes nous disent du combat, de la mort, de l'au-delà, du pouvoir et de ses sortilèges.

Le livre de Pierre Vidal-Naquet n'est pas seulement la leçon d'un historien familier depuis un demi-siècle de l'univers grec, mais la meilleure et la plus simple façon de comprendre d'où nous venons.


Pierre Vidal-Naquet, directeur d'études à l'Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales, est à la fois un historien de l'Antiquité et un intellectuel de renommée internationale.

vendredi 7 octobre 2022

MASSON, Christophe - La grande vague

"Je n’ai pas toujours été ce garçon mélancolique et reclus qui fuit la vie et ses alcools forts. À la rentrée universitaire de l’automne 1984, j’étais même tout le contraire. Je débordais alors de vitalité et de curiosité pour le monde, heureux de la chance que j’avais d’étudier la littérature comparée à la Sorbonne-Nouvelle, première étape d’une marche triomphale qui me mènerait vers la reconnaissance académique, les échanges lucratifs avec de prestigieuses universités anglo-saxonnes et la publication chez Gallimard d’essais érudits, teintés d’une ironie discrète."

mercredi 5 octobre 2022

CAMUS, Albert - La peste

"- Naturellement, vous savez ce que c'est, Rieux ? - J'attends le résultat des analyses. - Moi, je le sais. Et je n'ai pas besoin d'analyses. J'ai fait une partie de ma carrière en Chine, et j'ai vu quelques cas à Paris, il y a une vingtaine d'années. Seulement, on n'a pas osé leur donner un nom, sur le moment... Et puis, comme disait un confrère : "C'est impossible, tout le monde sait qu'elle a disparu de l'Occident." Oui, tout le monde le savait, sauf les morts. Allons, Rieux, vous savez aussi bien que moi ce que c'est......

HALL, Louisa - Trinity

15 juillet 1945, Los Alamos, Nouveau-Mexique. Robert Oppenheimer, brillant scientifique et créateur de la bombe atomique, compte les heures,...