Elle a vécu son enfance dans une ferme en Irlande avant de partir pour les Etats-Unis. Dans ses nouvelles, Claire Keegan décrit surtout un quotidien rural où l'on entend les vaches se gratter contre une barrière, où la mère se lève tôt, la première, pour allumer le feu et s'occuper des poules et des moutons. Les hivers sont très froids, les distractions rares. Les épouses rêvent de conduire la voiture mais ce sont les maris qui commandent et les filles qui descendent pour ouvrir les barrières en pleine nuit. Parfois, les femmes s'en vont : elles enfilent une robe rouge pour aller en ville et passer la nuit avec un homme. D'autres vivent dans l'ombre d'un amant marié qui les retrouve de temps à autre, en se cachant. Certaines restent célibataires, s'habituent à vivre seules, fredonnent même des chansons en préparant les confitures et les conserves pour l'hiver. Les couples se parlent peu mais leurs gestes trahissent leur fatigue physique et leur désir de vivre autrement, loin d'un passé familial lourd et statique. Ce sont les détails qui symbolisent la vacuité d'une vie. Trop de lessives, trop d'enfants, trop de tristesse et de rêves avortés : les lèvres des hommes sont froides quand ils embrassent leur épouse le soir au retour du travail.
L'amour, ou plutôt le désir d'amour, est présent à chaque page, mais Claire Keegan cache les sentiments derrière des gestes anodins. Ses nouvelles embrassent toute une existence. Dans ce premier recueil d'une dextérité et d'une sensibilité étonnantes, elle semble prendre son temps pour installer une atmosphère mais n'oublie jamais qu'elle écrit dans un genre littéraire qui exige le sens du rythme. Ses histoires courtes choisissent un instant donné, ramassé, symbolique et terriblement émouvant : celui d'une vie qui bascule, d'une prise de conscience ou d'un regard de trop. L'Antarctique marque la naissance d'un grand auteur et les Anglo-Saxons ne s'y sont pas trompés. La nouvelliste a figuré sur les listes des meilleures ventes aux Etats-Unis après avoir été encouragée par Nuala O'Faolain, Irlandaise elle aussi, et récemment disparue.
Juste pour mémoriser mes lectures. Aucun jugement... Affichage de la 4ème de couverture.
dimanche 25 novembre 2012
jeudi 22 novembre 2012
YOSHIYUKI, Junnosuke - L'averse
Dans L'Averse (court texte de 25 pages), Yamamura Hideo, un jeune homme (il travaille depuis trois ans seulement dans une entreprise) tente de ne pas tomber amoureux. Pour cela, fréquenter les prostituées est assez pratique, les relations, les phrases échangées relevant plus de la représentation que du sentiment. Pourtant, il va rapidement être amené à ressentir quelque chose pour une prostituée "différente" des autres.
lundi 19 novembre 2012
WALLET, Roger - Portraits d'automne
Comment s’arranger avec la vie quand on est déraciné et que la mauvaise saison s’installe. Roger Wallet signe une chronique belle et délicate.
Ce livre, aussi mince qu’une lueur, est une aubaine en ces temps d’agitation. Un charme discret, une force vive mêlée de tendresse et de désenchantement parcourent avec retenue cette centaine de pages. Ici, pourtant, rien de très ambitieux, sinon le
simple désir de raconter une histoire, qui pourrait être la nôtre, en suivant les délicats méandres, en s’abreuvant à la source chaude du souvenir. Portraits d’automne est le livre d’un destin, minuscule, ordinaire, de celui qui, arraché à ses racines, bascule dans un monde de transit. Originaire de Carcassonne, Marc Jimenez est un jeune instituteur que le mauvais sort conduit pour sa première affectation dans un petit bourg près de Beauvais.
Nous sommes au début des années soixante, l’air du temps est légèrement vicié ; comme beaucoup d’autres de sa génération,
Jimenez se retrouve jeté là « sans vraiment l’avoir souhaité, un peu par obligation, un peu parce que Quoi faire d’autre ?
La banque ? ». Quitter ses dix-huit ans, ses coteaux, ses oliviers, un père ex-combattant de la République espagnole, pour rejoindre là-haut l’odeur entêtante des betteraves, le choc est rude, à deux doigt de la désertion ou du suicide. Il faut pourtant s’y faire. Est-ce le paysage détrempé de la Picardie, « pays de pissats », qui déforme tant les visages et « ravine le coeur » ? Est-ce plutôt l’exil qui rend cette terre si absente ? Il faut pourtant s’accommoder de ces horizons moites et angoissants aux allures de steppes, cesécoliers silencieux et laborieux, ces hommes dont « j’entendais battre leur vie sans échappée, sans voyage », ce « parler […] très nasal, jeté sur la table comme une fatigue ». Jimenez s’enfonce dans la grisaille et le gel des jours sans fin. Seul, menacé par une existence « d’habitudes et de méthodes », le jeune instituteur s’abrite comme il peut pour se réchauffer le coeur : les demoiselles de son âge que l’on rencontre devant Jules et Jim, la photographie qui maintient l’oeil en éveil et laisse les traces de sa chère Occitanie, des moments perdus au bar des Deux-Rives, mais surtout la belle Hélène Bogaert, une troublante parent d’élève à l’histoire que l’on devine compliquée. Que fait-elle là ? Une autre solitude ? La lecture de Supervielle ou de quelques poèmes de René Guy Cadou aidant, il en tombera éperdument amoureux.
Dans Portraits d’automne, tout est en demi-teinte. La mauvaise saison s’étire, laissant ses pensionnaires fourbus devant le manque de perspectives. Roger Wallet jauge le monde à ras d’homme : attentif aux choses, respectueux des êtres, il nous offre une chronique pleine de délicatesse qui donne à la nostalgie une éternelle jouvence. Sous ce ciel bas, cette atmosphère lourde et poisseuse, sous cette « monotonie fuligineuse » qui suintent, palpite le coeur de la vie. Les bruissements de l’âme, les frissonnements du corps sont rendus avec une extrême retenue, comme s’il s’agissait de respecter un fragile et mystérieux équilibre.
Avec pudeur, avec patience, sans pathos, le regard clair et acéré, Roger Wallet parvient finalement à percer l’humide gangue d’un terroir hostile, avec pour seul recours, le bonheur des mots simples. Un travail de recomposition, proche de celui des peintres, vif comme un fugitif ravissement.
Ce livre, aussi mince qu’une lueur, est une aubaine en ces temps d’agitation. Un charme discret, une force vive mêlée de tendresse et de désenchantement parcourent avec retenue cette centaine de pages. Ici, pourtant, rien de très ambitieux, sinon le
simple désir de raconter une histoire, qui pourrait être la nôtre, en suivant les délicats méandres, en s’abreuvant à la source chaude du souvenir. Portraits d’automne est le livre d’un destin, minuscule, ordinaire, de celui qui, arraché à ses racines, bascule dans un monde de transit. Originaire de Carcassonne, Marc Jimenez est un jeune instituteur que le mauvais sort conduit pour sa première affectation dans un petit bourg près de Beauvais.
Nous sommes au début des années soixante, l’air du temps est légèrement vicié ; comme beaucoup d’autres de sa génération,
Jimenez se retrouve jeté là « sans vraiment l’avoir souhaité, un peu par obligation, un peu parce que Quoi faire d’autre ?
La banque ? ». Quitter ses dix-huit ans, ses coteaux, ses oliviers, un père ex-combattant de la République espagnole, pour rejoindre là-haut l’odeur entêtante des betteraves, le choc est rude, à deux doigt de la désertion ou du suicide. Il faut pourtant s’y faire. Est-ce le paysage détrempé de la Picardie, « pays de pissats », qui déforme tant les visages et « ravine le coeur » ? Est-ce plutôt l’exil qui rend cette terre si absente ? Il faut pourtant s’accommoder de ces horizons moites et angoissants aux allures de steppes, cesécoliers silencieux et laborieux, ces hommes dont « j’entendais battre leur vie sans échappée, sans voyage », ce « parler […] très nasal, jeté sur la table comme une fatigue ». Jimenez s’enfonce dans la grisaille et le gel des jours sans fin. Seul, menacé par une existence « d’habitudes et de méthodes », le jeune instituteur s’abrite comme il peut pour se réchauffer le coeur : les demoiselles de son âge que l’on rencontre devant Jules et Jim, la photographie qui maintient l’oeil en éveil et laisse les traces de sa chère Occitanie, des moments perdus au bar des Deux-Rives, mais surtout la belle Hélène Bogaert, une troublante parent d’élève à l’histoire que l’on devine compliquée. Que fait-elle là ? Une autre solitude ? La lecture de Supervielle ou de quelques poèmes de René Guy Cadou aidant, il en tombera éperdument amoureux.
Dans Portraits d’automne, tout est en demi-teinte. La mauvaise saison s’étire, laissant ses pensionnaires fourbus devant le manque de perspectives. Roger Wallet jauge le monde à ras d’homme : attentif aux choses, respectueux des êtres, il nous offre une chronique pleine de délicatesse qui donne à la nostalgie une éternelle jouvence. Sous ce ciel bas, cette atmosphère lourde et poisseuse, sous cette « monotonie fuligineuse » qui suintent, palpite le coeur de la vie. Les bruissements de l’âme, les frissonnements du corps sont rendus avec une extrême retenue, comme s’il s’agissait de respecter un fragile et mystérieux équilibre.
Avec pudeur, avec patience, sans pathos, le regard clair et acéré, Roger Wallet parvient finalement à percer l’humide gangue d’un terroir hostile, avec pour seul recours, le bonheur des mots simples. Un travail de recomposition, proche de celui des peintres, vif comme un fugitif ravissement.
mercredi 7 novembre 2012
NOSAKA, Akiyuki - La tombe des lucioles
1945, Japon, un jeune adolescent Seita sur le point de mourir se souvient des derniers mois. Le décès de sa mère, l’enfer des bombardements, son errance avec sa jeune sœur Setsuko et la mort de cette dernière.
Le thème de cette nouvelle est touchant et dur. Deux enfants qui meurent de faim et sans que personne ne les aide. La guerre fait rage et ils se retrouvent seuls à essayer de survivre. Il y a tout l’amour de Seita pour Etsuko, il s’en occupe à la manière d’une mère envers son enfant.
La tombe des lucioles est suivie d’une autre nouvelle Les algues d’Amérique : un couple Toshio et sa femme Kyôko reçoivent quelques jours un couple d’Américains les Higgins. Toshio se montre réticent au début et se remémore la présence des américaine en 1945. L’admiration de Kyôko envers les Higgins tourne au désenchantement. Un texte qui m’a laissée indifférente surtout que Monsieur Higgins s’avère être un amateur de photos de femmes nues. Et pour satisfaire son invité, Toshio l’amène dans les bars à « hôtesse ». C’est crû …
Le thème de cette nouvelle est touchant et dur. Deux enfants qui meurent de faim et sans que personne ne les aide. La guerre fait rage et ils se retrouvent seuls à essayer de survivre. Il y a tout l’amour de Seita pour Etsuko, il s’en occupe à la manière d’une mère envers son enfant.
La tombe des lucioles est suivie d’une autre nouvelle Les algues d’Amérique : un couple Toshio et sa femme Kyôko reçoivent quelques jours un couple d’Américains les Higgins. Toshio se montre réticent au début et se remémore la présence des américaine en 1945. L’admiration de Kyôko envers les Higgins tourne au désenchantement. Un texte qui m’a laissée indifférente surtout que Monsieur Higgins s’avère être un amateur de photos de femmes nues. Et pour satisfaire son invité, Toshio l’amène dans les bars à « hôtesse ». C’est crû …
samedi 3 novembre 2012
samedi 27 octobre 2012
LACKBERG, Camilla - La princesse des glaces
Erica Falck, trente-cinq ans, auteur de biographies installée dans une petite ville paisible de la côte ouest suédoise, découvre le cadavre aux poignets tailladés d’une amie d’enfance, Alexandra Wijkner, nue dans une baignoire d’eau gelée. Impliquée malgré elle dans l’enquête (à moins qu’une certaine tendance naturelle à fouiller la vie des autres ne soit ici à l’oeuvre), Erica se convainc très vite qu’il ne s’agit pas d’un suicide. Sur ce point – et sur beaucoup d’autres –, l’inspecteur Patrik Hedström, amoureux transi, la rejoint.
A la conquête de la vérité, stimulée par un amour naissant, Erica, enquêtrice au foyer façon Desperate Housewives, plonge dans les strates d’une petite société provinciale qu’elle croyait bien connaître et découvre ses secrets, d’autant plus sombres que sera bientôt trouvé le corps d’un peintre clochard – autre mise en scène de suicide.
Au-delà d’une maîtrise évidente des règles de l’enquête et de ses rebondissements, Camilla Läckberg sait à merveille croquer des personnages complexes et – tout à fait dans la ligne de créateurs comme Simenon ou Chabrol – disséquer une petite communauté dont la surface tranquille cache des eaux bien plus troubles qu’on ne le pense.
Camilla Läckberg, née le 30 août 1974, est à ce jour l’auteur de cinq polars ayant pour héroïne Erica Falck et dont l’intrigue se situe toujours à Fjällbacka, port de pêche de la côte ouest en Suède, qui eut son heure de gloire mais désormais végète. En Suède, tous ses ouvrages se sont classés parmi les meilleures ventes de ces dernières années, au coude à coude avec Millénium de Stieg Larsson.
A la conquête de la vérité, stimulée par un amour naissant, Erica, enquêtrice au foyer façon Desperate Housewives, plonge dans les strates d’une petite société provinciale qu’elle croyait bien connaître et découvre ses secrets, d’autant plus sombres que sera bientôt trouvé le corps d’un peintre clochard – autre mise en scène de suicide.
Au-delà d’une maîtrise évidente des règles de l’enquête et de ses rebondissements, Camilla Läckberg sait à merveille croquer des personnages complexes et – tout à fait dans la ligne de créateurs comme Simenon ou Chabrol – disséquer une petite communauté dont la surface tranquille cache des eaux bien plus troubles qu’on ne le pense.
Camilla Läckberg, née le 30 août 1974, est à ce jour l’auteur de cinq polars ayant pour héroïne Erica Falck et dont l’intrigue se situe toujours à Fjällbacka, port de pêche de la côte ouest en Suède, qui eut son heure de gloire mais désormais végète. En Suède, tous ses ouvrages se sont classés parmi les meilleures ventes de ces dernières années, au coude à coude avec Millénium de Stieg Larsson.
vendredi 19 octobre 2012
Le pavillon des jades - Anonyme (Qing)
Comédie faussement naturaliste et féerie érotisante, Le Pavillon des Jades pourrait dater du début des Qing (1644-1911).
Son auteur, toujours inconnu, y réussit le tour de force de convoquer toute une palette de situations cocasses et de personnages hauts en couleur : un homme se fait rectifier le sexe pour satisfaire les attentes de son épouse, un cocufieur perd la vie à cause de son goût pour la bagatelle, une renarde aimante échappe à la mort pour revenir se venger de son amant ingrat, un vieux marchand s'épuise à combler sa jeune épouse à la sensualité trop prononcée, sans compter un lot de servantes zélées et un maître ès choses du sexe particulièrement performant.
Plaisamment dérangeant, ce roman, où les lettrés perdent de leur superbe, orchestre un renversement des valeurs qui méritait à lui seul qu'il soit rendu à la vie.
Son auteur, toujours inconnu, y réussit le tour de force de convoquer toute une palette de situations cocasses et de personnages hauts en couleur : un homme se fait rectifier le sexe pour satisfaire les attentes de son épouse, un cocufieur perd la vie à cause de son goût pour la bagatelle, une renarde aimante échappe à la mort pour revenir se venger de son amant ingrat, un vieux marchand s'épuise à combler sa jeune épouse à la sensualité trop prononcée, sans compter un lot de servantes zélées et un maître ès choses du sexe particulièrement performant.
Plaisamment dérangeant, ce roman, où les lettrés perdent de leur superbe, orchestre un renversement des valeurs qui méritait à lui seul qu'il soit rendu à la vie.
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