dimanche 30 décembre 2018

REINHARDT, Eric - La chambre des époux

Nicolas, une quarantaine d'années, est compositeur de musique. Un jour, sa femme Mathilde apprend qu'elle est atteinte d'un grave cancer du sein qui nécessite une intense chimiothérapie. Alors que Nicolas s'apprête à laisser son travail en plan pour s'occuper d'elle, Mathilde l'exhorte à terminer la symphonie qu'il a commencée. Elle lui dit qu'elle a besoin d'inscrire ses forces dans un combat conjoint. 
Nicolas, transfiguré par cet enjeu vital, joue chaque soir à Mathilde, au piano, dans leur chambre à coucher, la chambre des époux, la symphonie qu'il écrit pour l'aider à guérir. S'inspirant de ce qu'il a lui-même vécu avec son épouse pendant qu'il écrivait son roman Cendrillon voilà dix ans, Eric Reinhardt livre ici une saisissante méditation sur la puissance de la beauté, de l'art et de l'amour, qui peuvent littéralement sauver des vies.

dimanche 23 décembre 2018

MOTSCH, Elisabeth - Le tribunal de Miranges

Un jeune juge est envoyé en Bourgogne par le roi de France. Il est chargé de constater l'excès de zèle des tribunaux lors des procès en sorcellerie. A l'époque, d'innombrables écarts à la loi sont signalés en province et la multiplication des bûchers devient dangereuse pour le pouvoir souverain.
Le juge Denvers s'installe donc à Miranges. Il est introduit à la cour, il assiste aux procès, aux séances de torture mais aussi à l'interrogatoire d'une femme tout à fait particulière.
La nuit est peuplée de voix à Miranges, de chœurs de femmes, parfois très belles, dont le pouvoir dépasse l'entendement...
Au cour de la Bourgogne du XVIIe siècle, Elisabeth Motsch met en scène de magnifiques personnages habités par la peur, le désir et la violence. Mais ce livre n'est pas seulement un roman historique, pour la romancière amoureuse de cette région, parfois menaçante dans les brouillards de l'aube, la fiction règne en maître et l'ombre de notre époque rôde déjà près du bûcher.

samedi 15 décembre 2018

SELLIER, Marie - La peau de mon tambour

Un an de vie, d'un été à l'autre. Un an dans la peau de Zoé, prise dans la tourmente, entre l'enfance et l'âge adulte. Premier été : son monde se fissure. Et tout à coup, le regard qu'elle posait sur ce qui, jusque-là, était familier et rassurant n'est plus le même. Soudain, les mains de sa grand-mère, Bonny, lui apparaissent telles qu'elles sont : ridées, tachées, vieillies. Noé, le cousin autrefois chéri, s'est dissous dans ce garçon distant et moqueur qu'elle peine à reconnaître. Le paradis des vacances à la maison sur la mer s'est flétri, il a perdu sa magie.
Et de retour au lycée, c'est sur son propre corps que le regard impitoyable de Zoé se porte

mercredi 12 décembre 2018

WHITEHEAD, Colson - Underground Railroad

Cora, seize ans, est esclave sur une plantation de coton dans la Géorgie d’avant la guerre de Sécession. Abandonnée par sa mère lorsqu’elle était enfant, elle survit tant bien que mal à la violence de sa condition. Lorsque Caesar, un esclave récemment arrivé de Virginie, lui propose de s’enfuir, elle accepte et tente, au péril de sa vie, de gagner avec lui les États libres du Nord.
De la Caroline du Sud à l’Indiana en passant par le Tennessee, Cora va vivre une incroyable odyssée. Traquée comme une bête par un impitoyable chasseur d’esclaves qui l’oblige à fuir, sans cesse, le « misérable cœur palpitant » des villes, elle fera tout pour conquérir sa liberté.
L’une des prouesses de Colson Whitehead est de matérialiser l’« Underground Railroad », le célèbre réseau clandestin d’aide aux esclaves en fuite qui devient ici une véritable voie ferrée souterraine, pour explorer, avec une originalité et une maîtrise époustouflantes, les fondements et la mécanique du racisme.

À la fois récit d’un combat poignant et réflexion saisissante sur la lecture de l’Histoire, ce roman, couronné par le prix Pulitzer, est une œuvre politique aujourd’hui plus que jamais nécessaire

lundi 3 décembre 2018

EMMANUEL, François - Ana et les ombres

Dans les Andes péruviennes, un accident interrompt le voyage d'Ana ? jeune archéologue qui vient de mettre au jour des sépultures ancestrales. Recueillie par des villageois, soignée par un guérisseur andin, elle demeure quelques semaines dans une zone létale, proche des limbes ? telle l'âme de ces princesses momifiées qu'elle accompagnait vers le musée de Lima. Rentrée en Europe, Ana flotte désormais entre les mondes ? celui de son enfance et des secrets de famille et celui de cette culture séculaire qu'elle a peut-être profanée, dont l'énigmatique pouvoir a fait resurgir les ombres de son passé.

samedi 24 novembre 2018

REYNAERT, François - La grande histoire du monde

Des grands empires de l’Antiquité à la chute de l’URSS, de l’Europe de Charlemagne au Japon du xixe siècle, de l’Asie des Mongols à l’Afrique de la décolonisation, cet ouvrage nous convie à un voyage extraordinaire au fil des siècles. Procédant par étapes chronologiques, il suit l’évolution des grandes civilisations les unes par rapport aux autres. Il réussit en même temps à nous faire comprendre la façon dont chaque peuple considère son passé. 

Nous avons tous en tête aujourd’hui l’importance nouvelle de la Chine, de l’Iran, de l’Inde. Nous percevons le rôle essentiel que vont jouer l’Afrique et l’Amérique latine. Nous voyons à quelle vitesse la montée de nouvelles puissances reconfigure le monde. C’est pourquoi il paraît urgent de mieux connaître son histoire.

Journaliste et écrivain, auteur notamment du succès Nos ancêtres les Gaulois et autres fadaises (Fayard, 2010), François Reynaert est passionné d’histoire. Il a étudié les œuvres des meilleurs spécialistes et voyagé à travers les continents pour rédiger cet ouvrage dont le but est double. Offrir une synthèse simple et claire des cinquante siècles qui nous précèdent et donner au lecteur une vision globale du monde qui nous entoure.

dimanche 11 novembre 2018

BORER, Alain - De quelle amour blessée

Qu'est-ce qui constitue le projet d'une langue, en quoi la langue française est-elle à nulle autre pareille ? Comment croire et comprendre qu'elle disparaît sous nos yeux à une telle vitesse, et avec elle une civilisation ? Ces pages s'attachent à identifier un héritage collectif inestimable, à donner la mesure d'un trésor. Ecrites dans un style délié et jubilant, elles se lisent non comme un éloge ou une célébration, mais comme une suite de dévoilements par lesquels se révèle la richesse d'un français que nous utilisons en sous-régime, inconscients le plus souvent de ses immenses possibilités. Le lecteur, hautement réjoui par l'éblouissante érudition de ce texte, trouvera, plus que la description d'un désastre à venir, un chant d'amour à notre langue, qui se pose aussi en oeuvre de salut public.

mercredi 31 octobre 2018

FOURNIER, Jean-Louis - Mon autopsie

L'écrivain analyse sa personnalité, ses réflexions et sa vie. Il s'amuse de ses petits travers d'humain et propose de se réconcilier avec ces derniers, en les associant à un trait positif de son caractère, ainsi son orgueil et son humilité, son indifférence et sa sensibilité, sa poésie et sa cruauté

lundi 22 octobre 2018

SMITH, Patty - M Train

Patti Smith a qualifié ce livre de «carte de mon existence». En dix-huit «stations», elle nous entraîne dans un voyage qui traverse le paysage de ses aspirations et de son inspiration, par le prisme des cafés et autres lieux qu'elle a visités de par le globe. 
M Train débute au 'Ino, le petit bar de Greenwich Village où elle va chaque matin boire son café noir, méditer sur le monde tel qu'il est ou tel qu'il fut, et écrire dans son carnet. 
En passant par la Casa Azul de Frida Kahlo dans la banlieue de Mexico, par les tombes de Genet, Rimbaud, Mishima, ou encore par un bungalow délabré en bord de mer, à New York, qu'elle a acheté juste avant le passage dévastateur de l'ouragan Sandy, Patti Smith nous propose un itinéraire flottant au cœur de ses références (on croise Murakami, Blake, Bolaño, Sebald, Burroughs... ) et des événements de sa vie. 
Écrit dans une prose fluide et subtile qui oscille entre rêve et réalité, passé et présent, évocations de son engagement artistique et de la perte tragique de son mari – le guitariste Fred «Sonic» Smith –, M Train est une réflexion sur le deuil et l'espoir, le passage du temps et le souvenir, la création, les séries policières, la littérature, le café... 
Après Glaneurs de rêves (Gallimard, 2014), Patti Smith nous propose un nouveau livre inclassable, profondément sensible et sincère, illustré par les photographies en noir et blanc qu'elle prend depuis toujours, et qui confirme qu'elle est l'une des artistes actuelles les plus singulières et indépendantes..

mardi 16 octobre 2018

TEULE, Jean - Fleur de tonnerre

Ce fut une enfant adorable, une jeune fille charmante, une femme compatissante et dévouée. Elle a traversé la Bretagne de part en part, tuant avec détermination tous ceux qui croisèrent son chemin: les hommes, les femmes, les vieillards, les enfants et même les nourrissons.

Elle s'appelait Hélène Jégado, et le bourreau qui lui trancha la tête le 26 février 1852 sur la place du Champs-de-Mars de Rennes ne sut jamais qu'il venait d'exécuter la plus terrifiante meurtrière de tous les temps.

mardi 9 octobre 2018

MOTOYA, Yukiko - Comment apprendre à s'aimer ?

Le livre est une série de plans fixes qui, telles les images d'un film, s'enchaînent entre eux pour dessiner le portrait de Linde. 

Elle a 16 ans, puis 28, 34, 47, 3 et enfin 63 ans, et découvre au fil de ses apprentissages, de ses déceptions et de ses joies, les sources invisibles du bonheur. Linde évolue sous le regard des autres, trop sage, presque invisible, pleine d'anticipation immobile, elle attend que la vraie vie commence. Elle se heurte au fossé qui nous sépare irrémédiablement d'autrui, et aux succédanés d'un bonheur idéal. A 63 ans, elle attend encore de la vie et des autres ce qu'ils ne peuvent lui donner. Mais, un jour, en attendant le facteur, elle finira par remarquer : « pour quelqu'un qui avait raté sa vie, il lui semblait qu'elle ne s'en sortait pas trop mal. » Le portrait de Linde à 16 ans, puis à 28, 34, 47 et 63 ans. 

Une série de moments qui évoquent ses apprentissages, ses déceptions et ses joies. Attendant toujours de la vie et des autres ce que personne ne peut lui donner, elle prend conscience à 63 ans que, pour quelqu'un qui a raté sa vie, elle ne s'en sort pas trop mal.

dimanche 7 octobre 2018

MULGAN, John - Seul

Héroïque dans son propos, Seul est un roman qui donne une perspective essentielle sur la Nouvelle-Zélande et la crise qui a précédé la Seconde Guerre mondiale. Efficace à la manière d'Hemingway, anticipant sur l'existentialisme de Camus, Seul s'inscrit comme une œuvre marquante de la littérature mondiale du XXe siècle. Quelques années avant la grande crise de 1929, le jeune Johnson, personnage central de Seul, émigre vers la Nouvelle-Zélande, pays qu'il découvrira en étranger, toujours un peu décalé. Emporté par le flot de l'Histoire et de ses bouleversements économiques, Johnson va errer d'un travail à l'autre jusqu'à ce qu'il rencontre, dans une ferme isolée, une jeune Maorie qui fera de lui un meurtrier involontaire. Il s'enfuira alors dans les forêts presque impénétrables de l'île du Nord où, tel un Robinson, il ne survivra qu'au prix de terribles privations. Il finira par gagner l'Angleterre avant de repartir combattre en Espagne aux côtés des Républicains. Parcours tumultueux qui semble dessiner une question : l'homme seul, à la fois fort et faible par sa solitude même, peut-il dépasser sa condition et trouver le chemin d'une nouvelle fraternité ?

John Mulgan (1911-1945) a brillé comme un météore dans la vie culturelle néo-zélandaise. Né à Christchurch (île du Sud) dans une famille d'intellectuels et de musiciens, il part pour l'Angleterre terminer ses études à Oxford et devient éditeur à l'Oxford University Press.
Dès le début de la Seconde Guerre Mondiale, à 28 ans, il s'engage dans l'armée britannique. C'est aussi en 1939 que paraît son roman, Seul. Après avoir servi au Moyen-Orient où il s'illustre contre l'Afrikakorps de Rommel, il part combattre en Grèce auprès de la résistance locale. Promu lieutenant-colonel, il retourne au Caire où il se suicide, à l'âge de 33 ans, quelques semaines avant la reddition de l'Allemagne.
Devenu très vite un événement précurseur de l'existentialisme littéraire, puis un classique des lettres néo-zélandaises, Seul a marqué, plus que toute oeuvre de fiction, une étape dans la conscience de l'identité de la Nouvelle-Zélande.
Il a même, contre toute évidence, joué un rôle dans la création du mythique "homme du Sud", le Néo-Zélandais des espaces sauvages de l'île du Sud, solitaire, indépendant et rebelle.

lundi 1 octobre 2018

NOTTE, Pierre - Tokyo, Catherine et moi

"A Tokyo, je ne reconnais rien, aucune image, aucune description, aucun signe du connu. Je n'y retrouve aucun plan d'aucun film, aucun mot d'aucun texte. Je n'ai rien lu, je n'ai rien vu. Les images des autres mondes, européens, américains, s'imposent d'elles-mêmes, elles nous sont imposées tout le temps et partout. Celles-ci nécessitent un travail, une recherche. Je n'ai pas cherché, je n'ai pas travaillé. Et je ne retrouve rien, je ne trouve pas, je perds tous repères, et j'ai tout à bâtir." La voix de Pierre Notte est multiple, en pleine métamorphose. Elle parle, tant elle redoute qu'on ne l'occulte. C'est sa façon d'exister, sa manière de dire "Je suis là", de faire partir la peur. Dans ce Japon déroutant où tout existe et son contraire, écoutons la ville et la voix assourdir ou se taire.

dimanche 30 septembre 2018

KAUFFMANN, Jean-Paul - Remonter la Marne

Remonter à pied la Marne depuis sa confluence avec la Seine jusqu’à la source est une odyssée à travers les odeurs, des paysages encore intacts traversés par une étrange lumière, la rambleur. Villages aux devantures vides, églises fermées, communes démeublées mais nullement moribondes, cette France inconnue se découvre pas à pas. Seule la marche permet un rapport profond au temps, au silence, aux rencontres.
Une géographie imprévue se dessine, l’aventureuse histoire de notre pays, riche en coups de théâtre, s’y révèle à la lumière du présent. Vulnérable, la Marne est depuis toujours la rivière du sursaut. La grâce surabonde dans cette Champagne marquée par le jansénisme.
L’auteur y a découvert la France des conjurateurs, ces indociles qui résistent à la maussaderie des temps présents et conjurent les esprits maléfiques d’aujourd’hui.
Remonter la Marne, ce n’est pas revenir en arrière et pleurer le passé, mais au contraire se perdre, chuter pour mieux renaître.

vendredi 28 septembre 2018

KAWAKAMI, Mieko - Seins et oeufs

La narratrice de ce roman se prénomme Natchan.
Célibataire, elle vit à Tokyo. Au début du livre, sa sœur aînée Makiko, bientôt quarante ans et sa nièce Midoriko à peine treize ans, débarquent chez elle, lui imposent leur présence et plus précisément leurs problèmes. Car Makiko semble avoir profondément changé depuis que son mari l’a quittée.
A Osaka, seule avec sa fille, une obsession s’est peu à peu emparée de tout son être : le projet de modifier son apparence en ayant recours à la chirurgie plastique est devenu pour elle le seul moyen d’aspirer à un bonheur nouveau, d’échapper à la haine de soi.
Effarée par cet état d’esprit, Natchan espère apaiser sa sœur car l’idée même d’envier la poitrine opulente de certaines occidentales lui semble une hérésie. 
De son côté et depuis que sa mère lui a fait part de ce rêve envahissant, la jeune Midoriko ne lui adresse plus la parole ; murée dans le silence, l’adolescente tente de vaincre le dégoût que lui inspire cette folie maternelle.
A Tokyo, pendant que les trois femmes s’observent mutuellement, la métropole japonaise souligne l’anonymat et la solitude de chacune.
S’instaure alors un mode d’écoute et d’attention plus neutre, peut-être plus sensible : dans le tout petit appartement de Natchan, le poids des fantasmes de chacune, personnalité et génération confondues, s’allège lentement. 

Ce livre percutant et provocant sur les dérives de la féminité est écrit par une Japonaise de trente-cinq ans, diplômée de philosophie, musicienne, actrice et romancière, élue “Femme de l’année 2008” par le magazine Vogue Japan.
Un sujet peu développé dans la littérature japonaise où le fantasme de la féminité, ses dérives et ses excès s’effacent derrière l’image donnée d’une sensualité extrême, d’une conscience du corps silencieuse, voire spirituelle.

Un livre d’une justesse de ton incontestable, qui explique son succès au Japon.

mercredi 26 septembre 2018

GAUDE, Laurent - Cris

Ils se nomment Marius, Boris, Ripoll, Rénier, Barboni ou M’Bossolo. Dans les tranchées où ils se terrent, dans les boyaux d’où ils s’élancent selon le flux et le reflux des assauts, ils partagent l’insoutenable fraternité de la guerre de 1914. Loin devant eux, un gazé agonise. Plus loin encore retentit l’horrible cri de ce soldat fou qu’ils imaginent perdu entre les deux lignes du front : "l’homme-cochon". A l’arrière, Jules, le permissionnaire, s’éloigne vers la vie normale, mais les voix des compagnons d’armes le poursuivent avec acharnement. Elles s’élèvent comme un chant, comme un mémorial de douleur et de tragique solidarité, prenant en charge collectivement une narration incantatoire, qui nous plonge, nous aussi, dans l’immédiate instantanéité des combats, avec une densité sonore et une véracité saisissantes.

lundi 24 septembre 2018

FERRARI, Jérome : Le sermon sur la chute de Rome

Dans un village corse perché loin de la côte, le bar local est en train de Connaître une mutation profonde sous l'impulsion de ses nouveaux gérants. À la surprise générale, ces deux enfants du pays ont tourné le dos à de prometteuses études de philosophie sur le continent pour, fidèles aux enseignements de Leibniz, transformer un modeste débit de boissons en "meilleur des mondes possibles". Mais c'est bientôt l'enfer en personne qui s'invite au comptoir, réactivant des blessures très anciennes ou conviant à d'irréversibles profanations des êtres assujettis à des rêves indigents de bonheur, et victimes, à leur insu, de la tragique propension de l'âme humaine à se corrompre.
Entrant, par-delà les siècles, en résonance avec le sermon par lequel Saint Augustin tenta, à Hippone, de consoler ses fidèles de la fragilité des royaumes terrestres, Jérôme Ferrari jette, au fil d'une écriture somptueuse d'exigence, une lumière impitoyable sur la malédiction qui condamne les hommes à voir s'effondrer les mondes qu'ils édifient et à accomplir, ici-bas, leur part d'échec en refondant Sans trêve, Sur le sang ou les larmes, leurs impossibles mythologies.

dimanche 23 septembre 2018

OGAWA, Yoko - Jeune fille à l'ouvrage

L’oeuvre de Yôko Ogawa est depuis toujours composée d’une alternance de romans et de nouvelles, comme si la forme courte demeurait pour elle, au fi l de son parcours, une chambre noire, et plus encore la note sensible de sa partition. Ainsi les lecteurs familiers de son univers retrouveront-ils ici les thèmes qui lui sont chers : le monde secret de transmission et de confi ance que les enfants partagent avec les vieillards. Les vibrations des mélodies n’existant que par-delà le silence, l’hyperacousie des êtres fragiles, l’eff acement d’un temps que seul l’amoncellement d’objets semble pouvoir réanimer. L’attirance gourmande et dangereuse pour les aliments sucrés, la présence rassurante des animaux, la mort annoncée telle une avancée paisible.
Les personnages de Yôko Ogawa sont des coureurs de fond comme cette femme qui s’entraîne la nuit, trébuche et tombe. Dans cette nouvelle intitulée L’Autopsie de la girafe, une silhouette timide s’avance pour lui porter secours, une fi gure de silence qui dès lors ne quittera plus jamais les imaginaires d’Ogawa.

mercredi 19 septembre 2018

ISHIGURO, Kazuo - Les vestiges du jour

" Les grands majordomes sont grands parce qu'ils ont la capacité d'habiter leur rôle professionnel, et de l'habiter autant que faire se peut ; ils ne se laissent pas ébranler par les événements extérieurs, fussent-ils surprenants, alarmants ou offensants. Ils portent leur professionnalisme comme un homme bien élevé porte son costume. C'est, je l'ai dit, une question de "dignité". " Stevens a passé sa vie à servir les autres, majordome pendant les années 1930 de l'influent Lord Darlington puis d'un riche Américain. Les temps ont changé et il n'est plus certain de satisfaire son employeur. Jusqu'à ce qu'il parte en voyage vers Miss Kenton, l'ancienne gouvernante qu'il aurait pu aimer, et songe face à la campagne anglaise au sens de sa loyauté et de ses choix passés...

jeudi 30 août 2018

OKUIZUMI, Hikaru - Les pierres

C'est pendant la guerre, dans une caverne où il avait trouvé refuge, que Manase a été initié, par un soldat presque mourant, à la beauté et aux secrets des pierres. De retour à la vie civile, Manase s'est pris de passion pour la minéralogie. Et il a transmis à son fils aîné cet enthousiasme de collectionneur. Mais voilà qu'un jour on retrouve le cadavre du jeune garçon, affreusement lacéré, dans la grotte où il était allé chercher des échantillons. Ce meurtre odieux semble ressusciter les cauchemars les plus obsédants de Manase : visions de soldats à l'agonie, dans une caverne, et d'un lieutenant qui ordonnait d'achever les mourants au sabre.

Des années plus tard, le fils cadet de Manase accuse son père du crime resté impuni…

Dans un terrifiant vortex d'intuitions, de réminiscences, d'irruptions du passé dans le présent, Hikaru Okuizumi conduit un récit au «suspense» inexorable, en même temps qu'une très belle méditation sur la mort et sur les métamorphoses les plus mystérieuses de la matière.

jeudi 23 août 2018

AUSTER, Paul - Brooklyn follies

Nathan Glass a soixante ans. Un divorce, un cancer en rémission, trente ans de carrière dans une compagnie d'assurances à Manhattan et une certaine solitude qui ne l'empêche pas d'aborder le der-nier versant de son existence avec sérénité.

Chaque jour, Brooklyn et ses habitants le séduisent davantage, il prend ses habitudes, tombe sous le charme d'une serveuse et décide de faire un livre dans lequel seraient consignés ses souvenirs, ses lapsus, ses faiblesses de langage, ses grandes et petites histoires mais aussi celles des gens qu'il a croisés, rencontrés ou aimés.

Un matin de printemps, le 23 mai de l'an 2000, ce livre intitulé Le Livre de la folie humaine prend une autre dimension. Ce jour-là, dans une librairie, Nathan Glass retrouve son neveu Tom Wood. Perdu de vue depuis longtemps, ce garçon de trente ans reprend très vite la place qui fut la sienne dans le coeur de son oncle. Et c'est ensemble qu'ils vont poursuivre leur histoire, partager leurs émotions, leurs faiblesses, leurs utopies mais aussi et surtout, le rêve d'une vie meilleure à l'hôtel Existence...


Un livre sur le désir d'aimer. Un roman chaleureux, à travers lequel tous les grands thèmes austériens se répondent, où les personnages reprennent leur vie en main, choisissent leur destin, vivent le meilleur des choses — mais pour combien de temps encore, en Amérique ?...

lundi 20 août 2018

TAHMIMA, Anam - Les vaisseaux frères

La veille de son départ pour la mission qui doit mettre au jour le squelette de la "baleine qui marche", un fossile qui comblerait un chaînon manquant dans l'évolution, Zubaïda tombe amoureuse d'Elijah. Il est le fils d'une famille américaine typique, elle la fille adoptive d'une riche famille bangladaise. Lorsqu'un coup du destin l'oblige à rentrer chez elle, le poids de la société la contraint au mariage avec un autre homme. Prenant prétexte d'un documentaire auquel elle doit participer sur les plages où sont désossés à mains nues les tankers mis au rebut, elle s'échappe quelques jours à Chittagong. Parmi les ouvriers se trouve Anwar, un homme dont la déchirante histoire va emmener Zubaïda en quête de ses origines. 

Avec ce livre bouleversant, Tahmima Anam s'impose comme une des grandes romancières de son époque.

mardi 14 août 2018

OGAWA, Yoko - La bénédiction inattendue

De la fascination d'une convalescente pour le destin d'un petit champion de natation à l'erreur d'une romancière se présentant spontanément à son lecteur ; des écrits d'une enfant solitaire à l'inquiétude d'une mère pour un chien aux yeux tristes ; de l'empreinte délicate d'une aile de papillon à la réminiscence d'un sentiment perdu ; ce livre est un véritable miroir de l'œuvre de Yoko Ogawa.

Sept récits à lire en écho au recueil intitulé : les Paupières (Actes Sud, 2007), sept révélations subtiles, comme autant de voiles à soulever pour atteindre les rivages de l'imaginaire.

mercredi 8 août 2018

DEVILLE, Patrick - Kampuchéa

Ce récit évoque un voyage le long du Mékong effectué pendant le procès des leaders Khmers rouges à Phnom Penh en 2009 et la révolte des Chemises rouges en Thaïlande en 2010.

Henri Mouhot poursuit un papillon, son filet à la main, se cogne la tête, lève les yeux, découvre les temples d'Angkor. C'est l'année zéro de ce récit.
Pavie fait élever le tombeau de Mouhot à Luang Prabang, ouvre à Paris l' Ecole cambodgienne, conseille le futur roi Monivong auquel succède Sihanouk, renversé par Lon Nol, lui-même chassé par Pol Pot. C'est une histoire brève, et française, de Mouhot jusqu'aux Khmers rouges.
Pour l'écrire, le narrateur entreprend de remonter le fleuve Mékong sur les traces du "La Grandière", depuis son delta jusqu'aux frontières de la Chine.

vendredi 3 août 2018

BEHM, Marc - Mortelle randonnée

Il la suivit, la regarda agir pendant des années. Elle était belle et elle tuait pour vivre. Il aurait dû l'en empêcher, car après tout il était une espèce de flic. Mais il se contentait de la suivre et, peu à peu, de la protéger, par tendresse, par une espèce d'amour. Un peu comme un père essaie de protéger sa fille contre les horreurs de la vie et les dangers de la mort.

L'Oeil, on ne connait de lui que son surnom, est détective privé. Un jour, il doit filer un jeune homme de bonne famille car ses parents s'inquiètent de sa nouvelle relation amoureuse. Sa filature donne ce résultat : retrait de la banque d'une somme conséquente du jeune homme, mariage civil avec sa nouvelle petite amie et meurtre du jeune marié par la fraîche mariée qui se barre avec la ladite somme.
Commence alors un road-movie meurtrier dans les Etats-Unis à pied, en voiture ou en avion. L'Oeil la suit dans tous ses déplacements, cette jeune femme l'intrigue et il découvrira que la demoiselle n'est pas à son premier mariage, qu'elle change d'identité comme de perruques et qu'elle tue pour vivre. C'est une tueuse en série mais pourtant il l'aimera comme sa fille qu'il n'a jamais connu, il la protégera à sa manière sans se faire connaitre d'elle, il deviendra son ange gardien.
Une histoire originale d'un auteur que je ne connaissais pas que j'aie pris plaisir à découvrir. A vrai dire, une fois commencée il m'a été difficile de lâcher ce roman car je voulais savoir où allait mener cette mortelle randonnée.
Nos deux protagonistes sont des êtres blessés et dépressifs, l'un par l'absence de sa fille et l'autre par la mort de son père. Ce sont deux anti-héros, elle assassine et lui est complice de ses forfaits, je devrais les détester et pourtant ces deux êtres au bord de la folie restent attachants.
L'auteur nous fait beaucoup voyager, peut-être même un peu de trop mais cette balade, toujours sur le qui-vive, reste mémorable grâce à sa plume efficace et teintée d'humour noir.

mardi 31 juillet 2018

GOFFETTE, Guy - L'autre Verlaine

"Ce qu'il aura fallu de temps pour que je me convertisse à Verlaine, combien d'errances, d'errements, de ciels perdus, de pluies, de larmes avant que le vieil Ardennais d'exil me rende à ma terre d'enfance avec le fil du cœur et le sens de la route, le n'en reviens toujours pas. "

Il s'agit d'un recueil de courts textes évoquant un ou plusieurs aspects biographiques de Verlaine, à partir de son oeuvre poétique ou en prose. Je les avais peu appréciés à la première lecture et beaucoup plus à celle-ci. Je ne me souviens plus du tout de ce qui m'avait déplu et je pense à présent que c'est un bel hommage à ce poète que j'aime tant. Une belle redécouverte qui m'a donné envie de découvrir le livre dont celui-ci est un complément: "Verlaine d'ardoise et de pluie".

mercredi 25 juillet 2018

D'ORMESSON, Jean - Et moi, je vis toujours

Il n’y a qu’un seul roman – et nous en sommes à la fois les auteurs et les personnages : l’Histoire. Tout le reste est imitation, copie, fragments épars, balbutiements. C’est l’Histoire que revisite ce roman-monde où, tantôt homme, tantôt femme, le narrateur vole d’époque en époque et ressuscite sous nos yeux l’aventure des hommes et leurs grandes découvertes. 
Vivant de cueillette et de chasse dans une nature encore vierge, il parvient, après des millénaires de marche, sur les bords du Nil où se développent l’agriculture et l’écriture. Tour à tour africain, sumérien, troyen, ami d’Achille et d’Ulysse, citoyen romain, juif errant, il salue l’invention de l’imprimerie, la découverte du Nouveau Monde, la Révolution de 1789, les progrès de la science. Marin, servante dans une taverne sur la montagne Sainte-Geneviève, valet d’un grand peintre ou d’un astronome, maîtresse d’un empereur, il est chez lui à Jérusalem, à Byzance, à Venise, à New York. 
Cette vaste entreprise d’exploration et d’admiration finit par dessiner en creux, avec ironie et gaieté, une sorte d’autobiographie intellectuelle de l’auteur.

lundi 23 juillet 2018

NOTHOMB, Amélie - Mercure

Une monstrueuse jeune fille, Hazel, atrocement défigurée par un bombardement ; un vieillard, le Capitaine O. Loncours, à quai depuis longtemps ; une maison biscornue d'où tous les objets réfléchissants, des miroirs jusqu'aux petites cuillères, ont disparu : décidément, l'île de Mortes-Frontières la bien-nommée abrite de bien étranges secrets, jalousement gardés par les sbires du capitaine, qui fouillent sans pitié tous ceux qui s'y aventurent... Françoise, la jeune infirmière appelée au chevet d'Hazel, en fait l'expérience, mais le plus mystérieux l'attend à l'intérieur : il lui faudra soigner Hazel, mais sans jamais poser la moindre question, sous peine de mort. Drôles de conversations, alors, que celles des deux jeunes femmes...

samedi 21 juillet 2018

HIRAHARA Naomi - Gasa gasa girl

Depuis toujours, la fille de Mas Arai, Mari, est gasa-gasa ? incapable de rester assise, toujours en mouvement.Et Mas, occupé à entretenir des pelouses et faire table rase de son passé de rescapé de Hiroshima, n'a jamais eu beaucoup de temps à lui consacrer.Mari est donc partie à New York et ne parle plus à son père. Un jour, pourtant, elle l'appelle à l'aide. Mas est aussitôt entraîné dans une série de situations surprenantes : il tombe sur un cadavre dans un ancien bassin à carpes.La victime est un millionnaire qui tentait de restaurer le jardin japonais d'une vieille propriété de Brooklyn. Rapidement, Mas repère les indices ignorés par la police, mais son instinct le pousse à se taire. Seulement, l'affaire finit par éclabousser sa famille.Le vieux jardinier passe donc à l'action.

dimanche 15 juillet 2018

SAINZ DE LA MAZA, Aro - Les muselés

Dans un sous-bois à la lisière de Barcelone, caché sous des feuilles mortes, gît le corps d’une jeune femme à l’aspect en tout point ordinaire, si ce n’est ses ongles, impeccablement manucurés : une étudiante de famille modeste qui finance ses études au service de recouvrement de créances dans un cabinet d’avocats, et arrondit ses fins de mois en faisant l’escort-girl.
Quelques jours plus tard, un des associés du cabinet qui l’employait est retrouvé mort dans son appartement cossu du centre-ville. De la chaîne hifi high-tech s’échappent encore des accords de blues, tandis que le champagne s’évente sur le comptoir de marbre noir.
L’enquête s’annonçait déjà ardue quand un sadique entreprend d’exposer dans les squares, à la vue des enfants, des chiens empalés. Les plaintes fusent et la pression est à son comble pour l’inspecteur Milo, chaque jour un peu plus gagné par la schizophrénie qui a déjà emporté son père et ronge désormais son frère Hugo. Mais ces troubles psychotiques qu’il essaie d’endiguer sont aussi sa plus grande force : une capacité hors pair à se mettre dans la peau des meurtriers.
Le pouvoir politique veut des arrestations pour ramener l’ordre dans la ville et refuse d’entendre les clameurs d’une cohorte d’Indignés pris au collet par le chômage, la corruption et la misère, prêts à tout pour simplement survivre. Mais qui sont les coupables ? Ces victimes ?
Dans une Barcelone en noir et blanc, pétrifiée et transie, asphyxiée par la crise, l’auteur conduit un thriller poignant sur la ligne rouge qui mène au précipice les exclus du système.

lundi 9 juillet 2018

GESTERN, Hélène - L'odeur de la forêt

Un hasard professionnel met entre les mains d’Elisabeth Bathori, une historienne de la photographie, les lettres et l’album d’Alban de Willecot. Ce lieutenant, mort au front en 1917, a été l’ami d’un des plus grands poètes de son temps, Anatole Massis, et a entretenu avec lui une abondante correspondance. 

D’abord aiguillonnée par l’espoir de retrouver les réponses de Massis, Élisabeth, qui reprend le travail après de longs mois de deuil, se prend peu à peu d’affection pour Willecot, que la guerre a arraché à ses études d’astronomie et qui vit jour après jour la violence des combats. Elle se lance à la recherche de Diane, la jeune femme dont le lieutenant était éperdument amoureux, et scrute chacune des photographies qu’il a prises au front, devinant que derrière ces visages souriants et ces régiments bien alignés se cache une autre tragédie, dont les descendants croiseront à leur tour la grande Histoire durant la Seconde guerre mondiale.

L’Odeur de la forêt est une traversée de la perte, à la recherche des histoires de disparus, avalés par la guerre, le temps, le silence. Mais il célèbre aussi la force inattendue de l’amour et de la mémoire, lorsqu’il s’agit d’éclairer le devenir de leurs traces : celles qui éclairent, mais aussi dévorent les vivants.

dimanche 1 juillet 2018

ADRIAN, Pierre - Des âmes simples

Au cœur d’une vallée, aux confins de la France, un homme tient là seul par sa foi. Au plus près des vies minuscules les bergers et les bêtes, les paumés et les vagabonds célestes, il accueille les histoires murmurées, les hommes en perdition. Les croyants et ceux qui ne croient pas. Parce qu'” on ne peut plus faire comme si les gens avaient la foi. ” Pour lui, cela importe peu. Jour et nuit, son portable sonne. Il accourt.


Le deuxième livre de Pierre Adrian, lauréat du prix des Deux Magots et du prix François Mauriac pour son premier livre, La Piste Pasolini. 

Un récit bouleversant à l'écoute des ténèbres et de la désespérance d'une époque. 

Ce qui repousse les caméras m'attire. Ceux qui trébuchent, ceux qu'on ne voit pas. J'aime le fond de la classe. Le saccage et le sursaut, la poudrière, le foutoir, la beauté, les rêveurs : tout est au fond, chez les invisibles. Au fond des vallées. Cette leçon, je l'apprendrai aux côtés de frère Pierre. En citant saint Paul, il me dira que la véritable sagesse n'est pas celle du monde : " Si quelqu'un pense être sage à la manière d'ici-bas, qu'il devienne fou pour être sage. " 
Au cœur d'une vallée, aux confins de la France, un homme tient là seul par sa foi. Au plus près des vies minuscules – les bergers et les bêtes, les paumés et les vagabonds célestes –, il accueille les histoires murmurées, les hommes en perdition. Les croyants et ceux qui ne croient pas. Parce qu'" on ne peut plus faire comme si les gens avaient la foi. " Pour lui, cela importe peu. Jour et nuit, son portable sonne. Il accourt.

D'une plume taillée à la serpe, Pierre Adrian nous offre un récit éblouissant, à l'écoute des ténèbres et de la désespérance d'une époque.

mercredi 27 juin 2018

BIANCARELLI, Marc - Massacre des Innocents


En 1629, le Batavia, navire affrété par la Compagnie néerlandaise des Indes orientales, s’abîme au large de l’Australie. Les quelque deux cent cinquante rescapés ayant rejoint les îlots rocailleux alentour sont alors victimes d’un immense massacre orchestré par l’inten­dant Jeronymus Cornelisz, qui chaque jour s’enfonce davantage dans la violence, la cruauté et l’abjection. Face à lui – les mains tachées du sang des innocents qu’il a exterminés durant sa carrière de soldat –, un certain Weybbe Hayes prend la tête de la résistance et sauve de la mort une poignée de naufragés.
De cet épisode sanguinaire, Marc Biancarelli s’em­pare pour donner vie, corps et âme à des hommes contaminés par le Mal, qui corrompt ceux qui le touchent du doigt en un cercle vicieux dont ils ne peuvent s’extraire. Peinture d’une époque, Massacre des Innocents s’impose comme un roman total, à la fois épique et shakespearien, dont la puissante dra­maturgie se soutient de scènes d’un lyrisme et d’une poésie qui travaillent la matière même de l’horreur.
Face à l’extrême, quand devenons-nous des résis­tants, et, à l’inverse, qu’est-ce qui fait de nous des êtres déchus ?



« LE NAUFRAGE DU BATAVIA EN 1629, et le conflit sanglant qui s’ensuivit entre les survivants, est une histoire qui a toujours nourri mon désir d’écriture. Mais il s’agissait d’un désir contrarié, en raison notamment du fait que l’historien Mike Dash en avait tiré un essai que le romancier Simon Leys jugeait définitif.

Je me suis longtemps plié à ce jugement, jusqu’au jour où j’ai compris qu’il restait un récit singulier à inventer autour de ce cadre historique, et une matière romanesque encore en friche qui me permettait d’explorer plus avant les thématiques généralement présentes dans mon écriture. Dont celle de la violence, matrice essentielle de mon travail, et que j’ai abordée sous bien des aspects concernant spécifiquement la Corse. Ici, le huis clos insulaire, l’opposition des groupes, la barbarie hallucinante des affrontements ne pouvaient que faire écho en moi.

Un autre thème sur lequel je travaillais, celui du retour à la sauvagerie, pouvait aussi trouver dans le carnage des Abrolhos le théâtre de son expression. Mais je n’étais pas dans l’idée de proposer un récit où la pure aventure serait le seul argument. Dès lors, la peinture hollandaise du xviie siècle, voire la culture de cette époque ou les soubresauts liés à la guerre de Trente Ans s’imposèrent comme le contrepoids esthétique de ma narration.

Une dernière chose, enfin, était importante à mes yeux : la réévaluation, dans une dimension romanesque, du rôle de certains protagonistes, c’est-à-dire ceux qui allaient devenir mes personnages. Ainsi Weybbe Hayes et Lucretia Jansdochter, mais aussi le sombre Jeronymus Cornelisz, méritaient-ils que l’on s’interroge, au travers de leurs actes, sur une certaine complexité de la nature humaine. Face à l’extrême, la dureté des épreuves, quand devenons-nous des résistants ? Ou, à l’inverse, qu’est-ce qui fait de nous des êtres déchus ?”



M.B.



mercredi 20 juin 2018

DEVILLE, Patrick - Peste & Choléra

Parmi les jeunes chercheurs qui ont constitué la première équipe de l’Institut Pasteur créé en 1887, Alexandre Yersin aura mené l'existence la plus mouvementée. "Ce n'est pas une vie que de ne pas bouger", écrit-il. Très vite il part en Asie, se fait marin, puis explorateur. Découvreur à Hong Kong, en 1894, du bacille de la peste, il s’installe en Indochine, à Nha Trang, loin du brouhaha des guerres, et multiplie les observations scientifiques, développe la culture de l’hévéa et de l’arbre à quinquina. Il meurt en 1943 pendant l’occupation japonaise. 
Pour raconter cette formidable aventure scientifique et humaine, Patrick Deville a suivi les traces de Yersin autour du monde, et s’est nourri des correspondances et documents déposés aux archives des Instituts Pasteur.

dimanche 17 juin 2018

ALVAREZ, José - Avec la mort en tenue de bataille

« Elle était totalement déterminée. Allégorie d'une Espagne fière et rebelle, lèvres rouges, cheveux noirs noués en chignon dans une résille, revêtue d'un tailleur noir sur des bas également noirs, chaussée de noir enfin, elle s'assit, telle l'annonce de la mort, dans le fauteuil, dos à la fenêtre. La fin du cauchemar était proche. »
Histoire d'amour, de trahison et de sang, Avec la mort en tenue de bataille nous plonge dans la guerre civile d'Espagne avec une puissance d'autant plus rare qu'elle est incarnée par un inoubliable personnage : Inès, mère et épouse respectable qui, lorsque le conflit éclate, se jette à corps perdu dans le maelström de cette lutte fratricide dont elle découvre avec stupeur toutes les ambiguïtés.
Evocation historique d'une tragédie emblématique, le roman de José Alvarez est aussi le sublime portrait d'une femme qui symbolise l'âme suppliciée de l'Espagne, celui d'une mère combattante que l'horreur de la guerre révèle à elle-même.

dimanche 10 juin 2018

GUEZ, Olivier - La disparition de Josef Mengele

1949: Josef Mengele arrive en Argentine.

Caché derrière divers pseudonymes, l’ancien médecin tortionnaire à Auschwitz croit pouvoir s’inventer une nouvelle vie à Buenos Aires. L’Argentine de Peron est bienveillante, le monde entier veut oublier les crimes nazis. Mais la traque reprend et le médecin SS doit s’enfuir au Paraguay puis au Brésil. Son errance de planque en planque, déguisé et rongé par l’angoisse, ne connaîtra plus de répit... jusqu’à sa mort mystérieuse sur une plage en 1979.

Comment le médecin SS a-t-il pu passer entre les mailles du filet, trente ans durant?

La Disparition de Josef Mengele est une plongée inouïe au coeur des ténèbres. Anciens nazis, agents du Mossad, femmes cupides et dictateurs d’opérette évoluent dans un monde corrompu par le fanatisme, la realpolitik, l’argent et l’ambition. Voici l’odyssée dantesque de Josef Mengele en Amérique du Sud. Le roman-vrai de sa cavale après-guerre.

samedi 9 juin 2018

LANZMANN, Jacques - Rue des Rosiers

Rue des Rosiers, lieu mythique de l'immigration juive, lieu que les siècles ont chargé d'événements tragiques sans jamais affaiblir sa vitalité prodigieuse. Noam, un jeune obtenteur de génie, amoureux des roses, rencontre Charme, une historienne hantée par les souffrances du peuple juif. Pour s'aimer, ils devront élucider le destin d'une famille disparue, dont Charme habite l'appartement. Les jumeaux Rosenweig ont-ils été sauvés de l'Holocauste pour grandir sous de faux noms ? Noam serait-il par une incroyable coïncidence le fils de l'un d'eux ? Comment apaiser la mémoire des victimes dont les cris obsèdent le couple ? Les forces de la vie finiront-elles par triompher de l'horreur ? Les personnages de Jacques Lanzmann, portés par la compassion et la générosité, entraînent le lecteur dans une histoire riche en révélations.

samedi 2 juin 2018

GUAY-POLIQUIN, Christian - Le poids de la neige

Dans une véranda cousue de courants d’air, en retrait d’un village sans électricité, s’organise la vie de Matthias et d’un homme accidenté qui lui a été confié juste avant l’hiver. Telle a été l’entente : le vieil homme assurera la rémission du plus jeune en échange de bois de chauffage, de vivres et, surtout, d’une place dans le convoi qui partira pour la ville au printemps.
Les centimètres de neige s’accumulent et chaque journée apporte son lot de défis. Près du poêle à bois, les deux individus tissent laborieusement leur complicité au gré des conversations et des visites de Joseph, Jonas, Jean, Jude, José et de la belle Maria. Les rumeurs du village pénètrent dans les méandres du décor, l’hiver pèse, la tension est palpable. Tiendront-ils le coup ?

samedi 26 mai 2018

BERGSSON, Gudbergur - Il n'en revint que trois

Une ferme perdue en Islande, à des kilomètres du premier village, entre un champ de lave, des montagnes et des rivages désolés. Le ciel est vide et les visiteurs sont rares.
Mais l’écho de la Deuxième Guerre mondiale ne va pas tarder à atteindre ses habitants. Soudain soldats, déserteurs, espions débarquent, mais aussi radio, route, bordels et dollars. Puis viendront les touristes. L’ordre ancien vacille et ne se relèvera jamais. 
Les personnages de Bergsson sont tout d’une pièce, rugueux et âpres comme la terre qui les a vus naître. Il y a ceux qui partent, ceux qui restent, ceux qui reviennent. Faut-il s’arracher à ce morceau de terre où rien ne pousse ? Ou guetter le renard en ignorant les secousses de l’histoire ? 
Un texte sec et fort qui décrit le basculement brutal de l’Islande dans la modernité, les bégaiements de l’histoire, la force magnétique de certains paysages, qui sont comme des gardiens de la tradition familiale : nul n’y échappe.

« Une histoire du peuple islandais du XXe siècle : le livre le plus fort et le plus remarquable de Gudbergur Bergsson. » Fréttabladid

dimanche 20 mai 2018

ORSENNA, Eric & GILSOUL, Nicolas - Désir de villes

À ce jour, mars 2018, cinquante agglomérations dépassent, sur notre planète, les dix millions d'humains. Soixante-cinq millions à Hong Kong et dans les alentours de la rivière des Perles ; quarante-deux millions pour Tokyo et son proche voisinage ; trente-cinq millions pour Jakarta...
D'ores et déjà, la moitié de nos compatriotes vivent en ville. Bientôt, dans quinze ans, dans vingt ans, ce seront les deux tiers...
Et si la ville était le creuset de toutes les inventions, le plus formidable des réservoirs de la vie ? Voilà pourquoi, en pestant, en ronchonnant, en rêvant de campagne, on se précipite pour y vivre. Alors, bienvenue dans deux cents villes d'aujourd'hui, dont trente françaises, de Paris à Guéret, de Lyon à Montfermeil. Bienvenue dans la vie moderne.

dimanche 13 mai 2018

LE VALLON DE LA MENODIERE, Guillemette - J'aurais préféré m'appeler Dupont

Sa mère fait tout comme il faut, elle prend du sucre avec une pince, elle ne pouffe pas, elle sourit et baisse la voix pour ne pas déranger même quand il n y a personne. Son père a des chaussettes en fil d Écosse, l été il met des espadrilles bleu marine. Guillemette, elle, rêve de sabots en bois cloutés, d aller au Flunch le dimanche à midi, d intégrer le corps des majorettes et de danser avec les Clodettes.
Ça ne peut plus durer.
À sept ans, sa petite valise à la main, elle annonce à ses parents : « Je vous quitte. »

samedi 12 mai 2018

JAENADA, Philippe - La serpe

Abandonné au 1er tiers, l'essentiel étant lu...

Un matin d’octobre 1941, dans un château sinistre au fin fond du Périgord, Henri Girard appelle au secours : dans la nuit, son père, sa tante et la bonne ont été massacrés à coups de serpe. Il est le seul survivant. Toutes les portes étaient fermées, aucune effraction n’est constatée. Dépensier, arrogant, violent, le jeune homme est l’unique héritier des victimes. Deux jours plus tôt, il a emprunté l’arme du crime aux voisins. Pourtant, au terme d’un procès retentissant (et trouble par certains aspects), il est acquitté et l’enquête abandonnée. Alors que l’opinion publique reste convaincue de sa culpabilité, Henri s’exile au Venezuela. Il rentre en France en 1950 avec le manuscrit du Salaire de la peur, écrit sous le pseudonyme de Georges Arnaud.
Jamais le mystère du triple assassinat du château d’Escoire ne sera élucidé, laissant planer autour d’Henri Girard, jusqu’à la fin de sa vie (qui fut complexe, bouillonnante, exemplaire à bien des égards), un halo noir et sulfureux. Jamais, jusqu’à ce qu’un écrivain têtu et minutieux s’en mêle…
Un fait divers aussi diabolique, un personnage aussi ambigu qu’Henri Girard ne pouvaient laisser Philippe Jaenada indifférent. Enfilant le costume de l’inspecteur amateur (complètement loufoque, mais plus sagace qu’il n’y paraît), il s’est plongé dans les archives, a reconstitué l’enquête et déniché les indices les plus ténus pour nous livrer ce récit haletant dont l’issue pourrait bien résoudre une énigme vieille de soixante-quinze ans..

jeudi 10 mai 2018

JARDIN, Alexandre - Des gens très bien

Après une première incursion dans l’histoire familiale avec Le roman des Jardin, l’auteur s’attache cette fois-ci à la personnalité de son grand-père paternel.

Figure aimée à propos duquel le petit-fils commença à comprendre à l’adolescence le rôle important joué par « le Nain jaune » durant le régime de Vichy.



"Tandis que mon père s'endort peu à peu contre moi, je lui parle une dernière fois :
Plus tard, tu ne pourras pas vivre avec le secret des Jardin. Il te tuera...
Tu feras un livre, Le nain jaune, pour le camoufler.
Au même âge que toi, j'en ferai un, Des gens très bien, pour l'exposer.
Et je vivrai la dernière partie de ta vie... La mienne.
Dors mon petit papa, dors...Ce livre aurait pu s'appeler "fini de rire".
C'est le carnet de bord de ma lente lucidité."

vendredi 4 mai 2018

CATHRINE, Arnaud - Pas exactement l'amour

Dans des registres variés allant de l'humour à la gravité, ces nouvelles explorent les effets collatéraux de l'amour : le temps du fantasme qui le précède, celui du souvenir qui le suit ainsi que toutes les nuances de sentiments confondus avec ce sentiment. Elles mettent en scène un jeune couple miné par la peur de la lassitude, l'obsession d'une ex-compagne ou la violence conjugale quotidienne.




« Pas exactement l’amour » : en dix nouvelles et autant de registres, Arnaud Cathrine livre de fines variations sur le couple, la passion et le sexe.

samedi 14 avril 2018

MURATA, Sayaka - Kombini

Depuis l'enfance, Keiko Furukura a toujours été en décalage par rapport à ses camarades. A trente-six ans, elle occupe un emploi de vendeuse dans un konbini, sorte de supérette japonaise ouverte 24h/24. En poste depuis dix-huit ans, elle n'a aucune intention de quitter sa petite boutique, au grand dam de son entourage qui s'inquiète de la voir toujours célibataire et précaire à un âge où ses amies de fac ont déjà toutes fondé une famille. En manque de main-d'oeuvre, la supérette embauche un nouvel employé, Shiraha, trente-cinq ans, lui aussi célibataire. Mais lorsqu'il apparaît qu'il n'a postulé que pour traquer une jeune femme sur laquelle il a jeté son dévolu, il est aussitôt licencié. Ces deux êtres solitaires vont alors trouver un arrangement pour le moins saugrenu mais qui leur permettra d'éviter le jugement permanent de la société. Pour combien de temps...

jeudi 12 avril 2018

D'ORMESSON, Jean - Dieu, sa vie, son oeuvre

Lu jusque page 226, à terminer !!!


Il y a beaucoup de façons de lire ce livre.
Il peut apparaître, successivement et au choix, comme un aperçu de la carrière de Chateaubriand, comme une étude sur Hortense Allart, comme une contribution à la vie et à l'œuvre de Julien Pontarlier. Comme un roman d'aventures, comme un roman policier, comme un roman d'espionnage. Comme une sorte de poème en prose sur les problèmes les plus généraux. Comme une histoire d'amour. Comme une quête des origines, comme une introduction à l'eschatologie. Comme plusieurs autres ouvrages encore et, en fait, comme presque tous, ou plutôt comme tous, que la seule idée de Dieu suffit d'ailleurs largement à couvrir et à justifier. À plusieurs égards et à l'extrême rigueur, comme une autobiographie, non seulement de l'auteur, ce qui est assez courant, mais chose plus rare, du lecteur.
Enfin, pour ceux qui, sous un prétexte ou un autre, ne pourraient - ou ne voudraient - pas lire ce livre sur «Dieu, sa vie, son œuvre», le spectacle de la nature, la vie quotidienne, l'histoire le remplaceraient sans trop de peine.

HALL, Louisa - Trinity

15 juillet 1945, Los Alamos, Nouveau-Mexique. Robert Oppenheimer, brillant scientifique et créateur de la bombe atomique, compte les heures,...